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Jack l'Eventreur. Combien de publications, de films, de légendes à son sujet? Le premier serial killer répertorié et célèbre de l'histoire contemporaine. Car n'en doutons pas, des serial killers, il y en a eu bien avant.

Je ne suis pas particulièrement fascinée par le sujet, mais j'avais lu il y a des années l'analyse/enquête de Patricia Cornwell, mère de Kay Scarpetta, plutôt intéressante d'ailleurs (si l'on omet certaines affirmations et théories capillotractées). Mais assez critiquée aussi, notamment par une certaine Belette. Pour le mois anglais, je voulais lire un album. En cherchant les auteurs anglais, je suis tombée (sans me faire mal, rassurez-vous) sur Alan Moore. Et ce titre.

Dans cet énorme album (publié au départ en 10 volumes, n'imaginez pas le trimbaler avec vous dans les transports en communs, vous risqueriez le lumbago) de plus de 500 pages, le scénariste des Watchmen, Alan Moore s'attaque donc à la légende, aidé d'Eddie Campbell au dessin.

Le vrai tueur ? Un docteur de sa très gracieuse majesté!

Sa thèse? Une sorte de mix and match de certaines théories qui ont eu les faveurs des modes et des (pseudo pour certains) historiens. La base principale reste cependant l'étude de Stephen Knight « Jack The Ripper : The Final Solution ». Je ne dévoilerai rien en vous disant qu'ici, c'est le docteur William Gull qui est le coupable, voulant tuer dans l'oeuf une possible conspiration à l'encontre de ce cher Eddie, alias le petit fils de Vicky. Oui, la grosse dame avec la couronne et habillée tout en noir, vous voyez? Elle donne pour mission à ce bon vieux William de la débarrasser de cette sale engeance. Car Eddie, l'inconséquent saligaud, aurait fricoté avec une boutiquière et se serait secrètement marié avec elle ! Pire, une enfant serait née de cette union. Et ces quatre prostituées qui, en manque d'argent, auraient eu la (très mauvaise) idée de faire chanter Walter Sickert, ami peintre et sans le sou d'Eddie, qui s'est empressé d'aller voir Mémé Vicky. Fichtre. Ca sent le roussi pour la Royal Family!

Il aurait pu occire simplement ces femmes. Mais non, William Gull, franc-maçon (ah!), va allier à cette mission très terre à terre, somme toute, un plus grand dessein. Plus proche du délire que d'autre chose. Une histoire de domination de l'Homme sur la Femme. De la Raison, sur l’irrationalité, la Folie.

On pourra donc être dubitatif pour plein de raisons à la lecture de cet album. Moore choisit une thèse. Est-elle la bonne? Le saura-t-on jamais? Peu importe, il tente de réconcilier des témoignages, archives et autres documents pour construire un puzzle entre ombre et lumière. On trouvera d'un côté les ultra-fans, et les ultra- pas-fans. Pour ma part, j'apprécie énormément le travail de l'auteur de recherche, mais surtout d'explicitation de ses choix. Car, en fin de texte, il commente ses choix page par page, citant ses sources, souvent avec humour. C'est particulièrement intéressant. C'est bien sûr subjectif. Mais j'avoue qu'il m'aurait presque convaincue. N'étant cependant pas spécialiste, je ne peux pas dire plus. Cela reste passionnant à lire, si l'on prend cela comme une fiction.

Côté dessin, c'est assez rude. Encre de chine, trait parfois très brouillon, voire grossier, je ne peux pas dire que cela soit un vrai plaisir pour l'oeil. Mais cette noirceur est adaptée aux circonstances.

Plus qu'un énième ouvrage sur Jack l'Eventreur, Moore et Campbell proposent la photographie (l'autopsie?) d'un monde qui décline irrémédiablement.

Au-delà de la thèse de l'auteur sur l'identité et les motivations de Jack, on appréciera la mise en place de l'atmosphère typique de Whitechapel en cette fin de décennies 1880, la triste condition des femmes à l'époque. Plus largement, Moore propose de voir ce qu'il considère comme la naissance d'une nouvelle ère, avec notamment un journalisme plus agressif et sensationnaliste. Il y a même une scène de sexe en Autriche a priori incompréhensible, puisque les dialogues y sont écris en allemand...et non traduits. C'est en fait la "création" d'Hitler par ses parents comme l'explique l'auteur dans l'appendice. Loufoque? Idiot? A vous de choisir. On dira que c'est la licence artistique de l'auteur. Ce qui prouve bien qu'au final, ce n'est pas tant Jack qui l'intéresse que l'époque et les hommes/femmes.

C'est clairement un coup de coeur, et je ne serais pas étonnée si un jour cet album venait à prendre place de manière définitive sur les étagères de ma bibliothèque!

Citation d'Alan Moore himself: « Cinq pauvresses assassinées, un agresseur anonyme. Cette réalité est éclipsée par le vaste parc d’attractions que nous avons construit autour. La vérité, c’est que la question n’a jamais été les meurtres, ni l’assassin ni les victimes. La question, c’est nous. Nos esprits et la façon dont ils dansent. Jack est le miroir de nos peurs. Sans visage, il est le réceptacle de chaque nouvelle panique sociale. C’est un juif, un médecin, un franc-maçon ou un membre de la famille royale en goguette. »

From Hell - Alan Moore et Eddie Campbell
From Hell - Alan Moore et Eddie Campbell
From Hell - Alan Moore et Eddie Campbell

C'était une contribution pour le mois anglais: The cup of ghosts de Paul Doherty, Crooked house d'Agatha Christie, le délicieux dessert Eton mess, un peu de musique avec le Choir of New College, les recettes de Nigella Lawson pour se sentir comme une déesse, un petit crush sur des acteurs/actrices, Case histories de Kate Atkinson, un peu de scrap spécial mois anglais et of course Jane Austen avec Love and friendship.

Tag(s) : #Ma bibliothèque, #BD, #coups de coeur
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