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Voilà un témoignage qui fait froid dans le dos.  L'autrice qui a souhaité toute sa vie rester anonyme (et qui a même refusé que son livre soit republié de son vivant)  nous décrit sa vie, celle d'une jeune femme de trente ans, dans un Berlin en proie à la famine, la guerre, l'arrivée des troupes russes victorieuses et peu portées sur la décence.

L'autrice, dans un journal rédigé  chaque jour ou presque sur des cahiers d'écoliers trouvés ou des bouts de papiers, décrit le quotidien d'une vie qui n'a plus qu'une seule obsession: survivre, malgré tout.  Cette femme éduquée, probablement journaliste, qui a voyagé dans de très nombreux pays d'Europe, y compris la Russie,  raconte de manière très clinique, désabusée, froide, ses deux mois entre avril et juin 1945. Une vie qui se résume à une grande question: quand aura-t-on à manger? et quoi? mais surtout... comment obtiendra-t-on cette nourriture?

Cette lecture fut  très instructive. Car le récit journalistique, si l'on peut dire, de ce quotidien de guerre  se déroule comme un documentaire. Duquel on peut parfois se détacher. Mais cela devient très dur lorsque nous est conté avec un détachement terrifiant les viols à répétition. Le "don" du corps pour une bouchée de pain.  Pour la protection d'un gradé qui vous protègera des autres soldats comme sa chasse gardée. 

La froideur du récit, parsemé de moments tragicomiques est symptomatique de la situation. Voilà le quotidien d'une femme qui pour survivre a dû tout simplement geler tout sentiment, toute émotion, de peur de sombrer.  Une femme qui a abandonné son corps à ces hommes  par pur instinct de survie, sans pour autant perdre le peu de dignité qu'il lui restait.  Une terrifiante leçon  sur la capacité d'adaptation, l'instinct de survie des êtres, un instinct animal, aveugle à tout sauf à sa préservation coûte que coûte.

Mais une leçon aussi sur les ravages de la guerre sur les êtres, certains traits de caractère se révèlent clairement, l'humanité de quelques uns est d'autant plus criante face à la couardise d'autres, leur cruauté. Mais en période de guerre, peut-on vraiment reprocher aux victimes leur comportement? Là, dans ce récit, ce ne sont pas les soldats venus du front qui ont changé, mais ce sont les femmes, restées en arrière, qui ont dû concéder les pires sacrifices pour survivre. Et qui, pour garder un semblant de raison ont parlé. Parlé librement de leur calvaire, et qui ont réussi à en rire. Et cela, ces hommes habitués à des femmes suivant les règles de la convenance à la lettre, ne peuvent le supporter, comme le découvrira notre autrice

Une chose m'a frappé: l'absence totale de ressentiment palpable de l'autrice envers les personnes. Que ce soit contre les Russes, les Allemands. Car bien sûr, la haine a dû, elle aussi, être mise de côté dans ce combat pour la survie.

 
Tag(s) : #Ma bibliothèque, #coups de coeur, #Histoires de femmes
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