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Place Monge, Paris, 1917. Un soldat traverse et entre dans un immeuble vidé de ses habitants. L'homme s'appelle Jean, il est lieutenant en permission. Il passe la nuit dans son lit, écrit à sa femme et leurs enfants, partis dans la famille en Corrèze.
Dans ce court texte (100 pages), Jean-Yves Laurichesse, que j'avais découvert avec le très beau Les chasseurs dans la neige (un coup de coeur que je vous recommande), conte l'histoire d'un homme, d'une famille frappée par la guerre et le deuil. Car Jean meurt.
L'ouvrage se découpe en quatre parties: le passage de Jean à Paris, la communication de sa mort par un ami puis le commandement militaire à sa famille, la vie de Gabrielle suite à cette annonce, et enfin, le narrateur qui dépeint comment il a trouvé les lettres sur lesquelles se fonde ce livre. Je n'ai pu m'empêcher de penser qu'il s'agit là de la famille même de l'auteur, et en effet, après recherches, le lieutenant est bien son grand-père.
Jean-Yves Laurichesse m'avait charmée, envoûtée avec son roman sur la création du tableau de Pieter Bruegel l’Ancien, et j'ai retrouvé dans Place Monge, son tout premier texte publié, sa plume délicate, toute en retenue. Grâce aux lettres retrouvées, il reconstitue l'histoire de sa famille sur cette période. L'enterrement digne permis par le dévouement des camarades de tranchée de Jean, le pèlerinage de sa veuve en terres flamandes, l'amitié salvatrice et réconfortante avec Andrée, elle aussi touchée par le deuil, et de bien d'autres choses encore.
Laurichesse témoigne ici de ces années terribles de guerre et d'après-guerre, la tristesse prégnante comme un brouillard qui ne se lèverait jamais. Les ravages sur les familles, sur "ceux qui restent" et leurs descendants.
Un beau texte.