
Voilà une histoire somme toute assez banale, roman semi-policier, tableau de l'Angleterre victorienne, rien de bien original au premier abord. Et pourtant! M E Braddon tisse-là un roman touffu, tortueux, sombre, mais aussi plein d'humour et au final, d'un ton très particulier. Voici quelques extraits parmi d'autres:
"Le favori, Gibet, ayant perdu la course, la destinée de Dick le Hardi n'intéressa plus grand monde. On savait qu'il était enfermé dans l'asile des fous du comté, prisonnier pour la vie, ou comme le disent les licenciés en droit, tout le temps qu'il plairait au souverain de l'y laisser"
"Il avait été marié dans les premiers temps de sa carrière, et avait l'habitude de dire qu'il aimait mieux passer dix rounds sur le ring qu'un seul dans le salon, quand la bourgeoise vous plaque la tête sur le manteau de la cheminée et vous imprime une douzaine de versions des dix commandements sur le gras des joues."
Braddon, c'est l'art de la description, des lieux, des atmosphères, des personnages. Sa plume vive, acérée, n'épargne personne. Ainsi de l'un des amis de Richard Marwood: "Ami lecteur, un avertissement: quand Mr Cordonner dit qu'il file chez les Cheerokees, il ne faut pas voir naïvement dans cette locution, "filer", la moindre expression de rapidité, même si c'est un sens qu'elle a ordinairement. Nul mortel n'a jamais vu Percy Cordonner se presser."
Cette citation me donne l'occasion de d'évoquer le narrateur, qui n'est autre que l'auteur, et qui à de nombreuses occasions, interpelle le lecteur, donne son avis etc. Un procédé assez classique, mais fort bien utilisé ici, toujours à propos.
La qualité principale de ce roman est peut-être aussi son talon d'achille. Je le disais, Braddon a un vrai talent pour la description pour donner vie à ses personnages et ses décors. Mais, il m'a semblé qu'elle en abusait un peu, et digressait parfois trop - sur plusieurs pages - sur des propos n'ayant rien à voir avec l'histoire. Conséquence directe: un certain manque de rythme et punch, qui rend parfois (rarement cependant) la lecture languissante. Ce sera mon petit bémol, que l'on peut attribuer au fait qu'il s'agit là du premier roman de Braddon.
Que cette dernière considération ne vous détourne pas de cette auteure! Cette lecture fut plus qu'agréable, une plongée totale dans le XIXème siècle, au sein d'un éventail de personnages tous plus intéressants les uns que les autres, le tout servi par un ton ironique ou sarcastique, parfois un trop mélodramatique, mais toujours plaisant.
Voilà donc un challenge que j'aurais réussi! Merci à Lou pour m'avoir incitée à découvrir Braddon, qui mérite que l'on se penche sur son cas!
Et puis comme ça tombe bien, Braddon c'est aussi un English Classic... donc c'est aussi un livre lu pour le challenge de Karine:)

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