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Adapté deux nouvelles de Ryūnosuke Akutagawa, ce film d'Akira Kurosawa a apparemment déclenché une sorte de révolution dans le cinéma mondial de l'époque (tout début des années 1950). C'est sur cette promesse que j'ai donc visionné ce film, diffusé sur France 4 dans une belle version restaurée.

Dans le Japon de la fin de l'époque de Heian (794-1185), quatre personnes présentent des versions sensiblement différentes d'un même drame : la mort par arme blanche d'un samouraï consécutive au viol de son épouse, au terme d'une embuscade tendue par un brigand. Alors qu'il pleut des cordes, trois hommes sont réfugiés sous les ruines de la porte Rashômon. Les deux premiers, un bonze et un bûcheron, racontent au troisième les terribless faits, le procès qui s'en est suivi et auquel ils participèrent en tant que témoins.

Un bandit notoire de la région, Tajomaru, voit passer un couple: un samouraï tenant par la bride un cheval portant son épouse. La brise soulève le voile de l'épouse, et Tajomaru n'y tient pas: il lui faut cette femme. Chaque protagoniste aura sa version des faits, à nous de décider qui dit la vérité de l'épouse, du bandit ou du samouraï (vive les medium qui permettent aux morts de parler!).

Chaque témoignage apporte un nouvel éclairage sur les faits, mais se rapproche-t-on réellement de la vérité? Cette formule narrative m'a rappelé un roman lu il y a bien 20 ans de cela, Le cercle de la croix, de Iain Pears, dans lequel chaque narrateur relatait les mêmes faits de son point de vue. Apportant à chaque fois des modifications au récit. Il paraît que le film de Kurosawa a même eu pour effet de créer un concept, celui d'effet Rashômon, le fait de voir les mêmes faits depuis plusieurs points de vue, chacun légèrement (ou plus) différent des autres.

Au-delà de ce thème d'une réalité vue différemment par les protagonistes, un autre thème m'a frappée: les protagonistes/témoins (bûcheron et bonze notamment) évoquent à plusieurs reprise une humanité devenue terriblement égoïste, une perte de repère dans un contexte de violence. Cela n'est évidemment pas sans rappeler la période à laquelle a été tourné le film, dans l'immédiat après-guerre.

Côté réalisation, ce film est évidemment très japonais (même si ses détracteurs au pays du soleil levant le trouvaient, quant à eux, trop occidentalisé - la musique, variation autour du thème du Boléro de Ravel y étant certainement pour quelque chose): par là j'entends le côté très théâtral du jeu des acteurs, les regards perdus dans le vide etc. Notamment, le jeu de l'acteur principal, incarnant le bandit (et soit dit en passant très agréable à regarder) et son rire à moitié hystérique laisse perplexe l'Européenne que je suis. D'un autre côté, certains aspects sont très intéressants, notamment le combat au sabre entre le bandit et le samouraï. Loin des chorégraphies très stylisées, ici Kurosawa choisit de montrer la violence dans tout son grotesque et sa bassesse. De même, le personnage de la femme, bien moins soumis qu'il n'y paraît, apporte de la complexité (quand un certain dialogue dégoulinant d'une misogynie crasse vous fera hérisser le poil).

A noter: nous ne connaîtrons jamais le verdict du procès, même si l'on peut penser que le bandit ne devrait pas s'en sortir.

Tout comme Les contes cruel du bushido de Tadashi Imai, Rashômon est un film très intéressant à regarder, une expérience cinématographique originale.

Participation (sur le fil) au mois du Japon de Lou et Hilde.

 

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