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Je vous parlais récemment de la très bonne série Vigil, qui se déroule pour partie dans un sous-marin de la Royal Navy britannique. J'ai par la suite écouté un podcast de l'IRSEM (Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole Militaire - oui j'adore la géopolitique!) consacré à la série, et l'intervenant citait cet autre podcast, En eaux troubles, puisque au tout début de la série, on voit un chalutier être entrainé par le fond par un sous-marin, ce qui rappelle furieusement le naufrage du Bugaled Breizh. En eaux troubles est en effet une investigation sur cette affaire qui remonte à janvier 2004.

Emilie Denètre et Adèle Humbert, les deux journalistes, ont donc mené l'enquête sur ce drame qui a créé un traumatisme au sein de la communauté de la pêche. Et dont l'enquête judiciaire s'est soldée par un non lieu en 2016.

Le 15 janvier 2004, peu après 12.00, le capitaine du Bugaled Breizh, Yves Gloaguen, lance un appel de détresse à l'adresse d'un collègue pêcheur sur la même zone, près de Lizard point (extrême sud du Royaume Uni) "Viens vite je chavire!". En quelques minutes en effet, le chalutier sera coulé, et avec lui ses cinq marins, tous décédés. Deux d'entre eux ne seront jamais retrouvés.

La grande question sera la suivante: comment un bateau de 24 mètres, connu pour être bien entretenu et solide a-t-il pu couler en seulement 3 minutes? L'enquête se conclura par la thèse de la croche, c'est-à-dire que le filet du bateau aurait accroché au fond, déséquilibrant le bateau, et par mauvais temps (et peut-être mauvaise manœuvre) cela aurait entraîné le naufrage. C'est en tout cas la thèse du Bureau Enquête Accident Mer. Du côté des pêcheurs, tous sont unanimes: un bateau comme celui-là ne coule pas suite à une croche (phénomène très fréquent sur la zone), le capitaine était un bon marin, le temps n'était pas mauvais.

Les deux journalistes vont mener l'enquête, rencontrant le propriétaire du bateau, l'une des procureurs en charge à Nantes (la procédure sera en effet délocalisée au bout de quelques années), mais aussi des pêcheurs, français et anglais, des avocats, des experts etc. Nous les suivons au fil des 6 épisodes de ce passionnant podcast interroger, questionner, confronter différents interlocuteurs pour arriver à la seule conclusion possible au regard des circonstances et de l'état des câbles : le bateau a été entraîné par le fond lorsque ses funes (les câbles qui tiennent le train de pêche, c'est-à-dire le filet) ont été accrochées par "une force exogène" (mots pudique pour dire :un sous-marin).

Longtemps, les parties civiles ont été persuadées qu'il s'agissait d'un sous-marin britannique, le Turbulent (le lendemain du naufrage un exercice de l'OTAN concernant 5 pays devait se tenir, impliquant bâtiments de surface et sous-marins). Mais pour les journalistes, se fondant sur le rapport de l'Amiral Dominique Salles, ancien commandant de la flotte SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d'engins) de l'Atlantique, il semble que ce soit un sous-marin solitaire, en mission d'espionnage, qui ait été responsable du naufrage. Un bâtiment de la Navy américaine, venu sur place pour "repérer" le terrain avant la venue en septembre 2004 à Cherbourg d'un bateau américain contenant des déchets radioactifs devant être traité à l'usine de La Hague. L'idée selon lui étant de constater le trafic maritime, les mesures de sécurités mises en place pour éviter tout risque d'action terroriste etc. Le 19 janvier, un cargo devait repartir avec des déchets traités vers le Japon. Une occasion en or pour les Américains d'observer comment tout était géré.

Selon le rapport de l'Amiral, il y a peu de chance que l'équipage du sous-marin se soit rendu compte de quoi que ce soit, y compris au son: les câbles frottant sur le bâtiment au niveau de la salle des machines n'auraient pas été perceptibles, de même que l'implosion de la cale à poisson du Bugaled puisque survenant à l'arrière du sous-marin dans le "cône sourd", c'est-à-dire une sorte d'angle mort sonore.

On peut conjecturer sur les raisons qui ont poussé les magistrats à s'accrocher à une thèse unanimement rejetée par les experts de tous bords, et à ignorer le rapport de cet amiral, apparemment extrêmement bien argumenté, évaluant plusieurs hypothèses pour tenir celle du sous-marin américain comme la plus probable.

Les journalistes expliquent que les théories complotistes ont souvent été relayées, entretenues aussi par des incohérences dans l'enquête ou dans les faits. Incohérences qui furent souvent finalement expliquées.

Rappelons qu'à l'époque, 2004 donc, nous sommes en pleine "guerre contre le terrorisme", la guerre en Irak a été déclarée l'année précédente,  mettant à mal les relations franco-américaines. On peut imaginer, pour le dire crûment, que l'enquête a fait les frais de considérations diplomatiques.

Le podcast peut s'écouter sur le site d'Insider Podcast, où on en apprend encore un peu plus, on peut lire des extraits de déclarations, auditions, des croquis etc., ainsi que sur Spotify.

Dans le bunker#46 Vigil. Podcast à écouter APRES avoir vu la série (sur Soundcloud)

Tag(s) : #Podcast, #coups de coeur
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