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En 2015, après la parution de son roman Dans le jardin de l'ogre, Leïla Slimani, depuis primée pour Chanson douce et récente présidente du prix du livre de France Inter, est au Maroc pour en parler.
Dans un hôtel, elle rencontre Nour. Entre les deux, la conversation s'engage, autour de ce sujet ultra tabou au Maroc: le sexe. Surtout, nous découvrons au travers du témoignage de Nour, mais de plusieurs autres encore que Leïla Slimani rencontrera dans tout le pays, toute l'hypocrisie d'un système où la femme est totalement asservie, son corps propriété d'un homme. Où la prostitution est florissante, mais où une femme doit absolument être vierge pour son mariage. Mariage où elle sera vêtue comme une reine, mais pour n'être ensuite qu'une esclave: domestique et sexuelle.
Victime, la femme l'est toujours. Victime de viol, elle devrait encore être mariée à son agresseur. Victime des coups de son mari, elle sera vilipendée par sa famille même. Car elle porte la h'chouma sur elle. La honte. Voilà le mot fatidique. C'est terrifiant de voir à quel point le regard de l'autre, bien plus que la loi, est ce qui pose problème. C'est le constat qui revient dans beaucoup de témoignages de cette formidable bande dessinée. Le regard des "gens", de la société, dicte absolument tout. Enkyste les individus dans des situations, des comportements, avilissants, annihilants. Et le corps de la femme, son destin, confisqués.
La conversation de Slimani avec une femme érudite sur une traduction possible d'un passage du Coran montre à quel point la sémantique, l'interprétation peuvent radicalement tout changer.
Un album passionnant, révoltant. Mais dans les dernières planches, Slimani et les personnes rencontrées affirment que les temps changent, que malgré la pression des conservateurs, la jeunesse va faire évoluer les choses. Voeu pieux? Réalité? En tout cas, une lecture édifiante sur une société rongée par l'hypocrisie. Une porte d'entrée vers l'essai de Slimani sur la sexualité au Maroc.
