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Une bonne tasse de thé et autres textes, est un recueil d'articles de George Orwell écrit dans les années 1930/1940. De l'hôpital parisien pour indigents à la cuisine anglaise, en passant par l'esprit sportif, le pub idéal ou le rapport de la littérature avec la politique, ce recueil est un régal de réflexions acérées et pertinentes.

L'auteur de 1984 et de La ferme des animaux propose dans ces 11 articles aux sujets très variés vous l'aurez compris, de réfléchir sur la politique, bien sûr, mais aussi à ce qui fait le sel de la vie, la valeur et le sens que l'on veut bien lui donner. En tant que Français, on pourra dire que sa Défense de la cuisine anglaise n'est que chauvinisme (mais ce serait être quand même être de mauvaise foi... certains fromages anglais sont délicieux (testez le blue shropshire si vous en avez l'occasion)), et que Comment meurent les pauvres ne dépeint qu'un aspect des hôpitaux parisiens aussi horrible fût-il. J'ai d'ailleurs du mal à croire qu'il n'existât pas alors le même type d'établissement au Royaume-Uni. On retrouve cependant dans sa description d'un hôpital pour indigents, certaines pratiques déplorables de nos médecins (considérer les patients comme des cas cliniques et non des êtres humains par exemple). 

J'ai particulièrement apprécié aussi son article sur l'esprit sportif, écrit suite à la tournée d'une équipe soviétique sur le sol britannique en 1946 - ce n'était pas encore la guerre froide. "Au Moyen Âge on s'y adonnait aussi, et sans doute avec une grande brutalité physique, mais il n'y entrait aucune considération politique et ce n'était pas non plus un terreau des haines collectives. Si vous vouliez alimenter le vaste capital d'hostilité qui existe aujourd'hui dans le monde, rien ne serait plus efficace que d'organiser une série de matchs de football entre Juifs et Arabes, Allemands et Tchèques, Indiens et Britanniques, Russes et Polonais, Italiens et Yougoslaves, avec pour chaque match un public de cent mille spectateurs des deux camps.  Je ne veux pas dire par là, évidemment, que le sport est l'une des sources majeures de rivalités internationales. Le sport à grande échelle n'est lui-même, je pense, qu'un effet parmi d'autres des causes qui ont produit le nationalisme.

Ses Souvenirs de libraire sont aussi intéressants à lire. Il se désole que les classiques (Trollope, Austen ou Thackeray) soient passés de mode, même si Dickens se vend toujours bien, et déplore que les gens n'aiment pas les nouvelles. Il nous parle des lectures féminines ou masculines : "En gros ce qu'on pourrait appeler "le roman moyen" - ni bon ni mauvais, le roman quelconque, genre Galsworthy délayé, qui représente la norme de la production romanesque anglaise - ne semble exister que pour les femmes. Les hommes lisent soit des romans qui peuvent inspirer le respect, soit des romans policiers."  

Le dernier article du recueil est bien sûr Les écrivains et le Léviathan, une réflexion sur la politique dans l'oeuvre littéraire, et la capacité ou non de l'écrivain à s'en détacher pour écrire son roman. "Notre époque est politique. La guerre, le fascisme, les camps de concentration, les matraques en caoutchouc, les bombes atomiques etc., voilà les choses auxquelles nous pensons et donc, dans une large mesure, celles sur lesquelles nous écrivons, même sans les nommer expressément.  [...] C'est toute notre attitude envers la littérature qui se teinte d'allégeances dont le caractère non littéraire nous apparaît au moins de temps en temps. [...] L'invasion de la littérature par la politique était de toute façon inévitable [...] parce que nous avons développé une espèce de scrupule inconnu de nos grands-parents : la conscience de l'énorme ampleur de la misère et de l'injustice du monde, ainsi que le sentiment teinté de culpabilité que nous devrions agir afin d'y remédier."

J'ai picoré ces articles tout au long de l'été, me régalant de la plume d'Orwell, son humour, son intelligence. A lire!

En aparté : j'écoutais début septembre une chroniqueuse dans l'émission Grand bien vous fasse sur Inter, parler de cet ouvrage... dont je pense qu'elle ne l'avait pas lu. En effet, dans son article dépeignant le pub idéal, Orwell précise bien, à mi-article, que ledit pub n'existe pas, et la chroniqueuse de nous dire "il faudrait vérifier l'adresse, mais pas sûre que ce pub existe toujours"... Elle ne parle d'ailleurs que de cet article et celui sur la tasse de thé, rien sur les autres qui sont pourtant passionnants...

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Tag(s) : #Ma bibliothèque, #Arts et Lettres
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