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Conseillé par deux de nos médiathécaires, Les pizzlys est une bande dessinée de Jérémie Moreau publiée chez Delcourt dans la collection Mirages. Et de fait, la couverture laisse bien entrevoir l'aspect un brin fantastique de cette histoire, qui débute pourtant dans un contexte tout ce qu'il y a de plus banal.
Nathan, un jeune chauffeur Uber parisien, tente comme il peut de tenir sa famille à flots. Il doit payer l'emprunt du grand appartement et celui de sa BMW, son outil de travail, ainsi que les frais de l'école privée de sa soeur et de son frère. Les parents sont décédés (on sait du moins pour la mère, aucune info sur le père). Mais Nathan a des absences, dues au manque de sommeil et au stress probablement, et alors qu'il transporte une cliente qui repart vivre en Alaska à l'aéroport, il a un accident. La voiture est irréparable... l'avenir s'annonce très, très compliqué. Annie, la cliente, leur propose alors de venir avec elle, dans un coin perdu de l'Alaska. Sans perspectives autre que la débâcle financière, Nathan accepte, au grand dam de ses frère et soeur. Annie, issue d'un peuple des Premières nations, va tenter de les remettre sur les rails, au contact de la nature.
Moreau utilise le thème des citadins qui reviennent à la (vraie) vie grâce à un retour dans la Nature, vu et revu, mais j'avoue qu'il le fait bien. Quand j'ai compris la direction que prenait l'intrigue, j'avais un peu de réticences (ce genre de thématique est souvent plein de bons sentiments donneurs de leçons qui m'exaspèrent (comme dans le film Les petits mouchoirs de Canet)). Ici, bien entendu, Annie diagnostique l'impasse dans laquelle ils sont tous les trois enfermés : les enfants n'ont que les téléphones et tablettes/consoles, ils ne "savent plus regarder dans les yeux", ne communiquent plus, Nathan est victime de ses absences bizarres. Tous sont malheureux. Mais Moreau nous évite les grands monologues sur la vie dans la Nature, la "vraie vie", les vraies valeurs etc.
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Car les pizzlys (le résultat d'ours polaires s'étant accouplés avec des grizzlis) et l'Alaska sont loin des souvenirs qu'avait Annie de sa terre d'origine, quittée 40 ans plus tôt. Le changement climatique est là, provoquant de profondes modifications dans les rythmes millénaires des migrations animales, des inondations, des incendies... Moreau aborde aussi les difficultés que rencontrent les autochtones, l'impasse dans laquelle ils se trouvent du fait de la société telle qu'elle est, mais aussi du climat qui change et les prive de leurs modes de subsistance (chasse). Il nous parle aussi de solidarité, de rencontres malgré les différences etc.
Il y a aussi un peu de magie, dans Les pizzlys, des scènes mystiques presque, la relation aux esprits de la nature est évoquée. Les pizzlys c'est l'histoire du "reset" d'une famille, la découverte d'un autre univers, celui des Premières nations nord-américaines, mais aussi une bande dessinée décrivant l'impact énorme qu'a déjà le réchauffement climatique sur l'environnement.
Le tout est porté par un dessin aux lignes très épurées, un graphisme qui réduit les visage à leur plus essentielles parties : deux points pour les yeux, deux traits pour les sourcils, etc... Cela m'a un peu fait penser au trait d'Hergé. Les couleurs sont surprenantes, avec des fluos notamment qui de prime abord ne m'attiraient pas du tout, mais qui au final donnent une force inattendue au récit, et amplifient le côté mystique de certaines scènes. Evidemment, on pense aux aurores boréales...
Bref, une belle découverte.
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