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C'est chez Eimelle que j'avais repéré l'année dernière De femme et d'acier, une biographie romancée de celle qui fut l'unique femme médecin des armées pendant la Première guerre mondiale, Nicole Girard-Mangin.
Contemporaine de Marie Curie, avec qui elle enseigna à l'hôpital Edith-Cavell pendant la guerre, Nicole Girard-Mangin est née en 1878 dans la Meuse, dans une famille la petite-bourgeoisie (père instituteur puis négociant en vin de Champagne). Elle se passionne pour la médecine, mais elle abandonne ses études pour épouser André Girard. Mais le mariage bat vite de l'aile, elle s'ennuie fermement et il la cocufie à tord de p... bras. Ce sera, en tout cas, dans ce récit de Cécile Chabaud, une blessure qui ne guérira jamais vraiment. Après quatre ans de mariage, ils divorcent, et elle reprend ses études, écrit une thèse sur le cancer, elle enseigne à la Sorbonne, puis se tourne vers les maladies infectieuses. Elle prend la tête du dispensaire pour tuberculeux à Beaujon. En 1914, Nicole Girard-Mangin rédige et fait paraître un Guide antituberculeux salué dans la presse de l'époque pour ses qualités pédagogique.
Elle enseigne aux jeunes femmes à l'Union des Femmes de France. "Certaines participantes, d'abord timides et empruntées, finissaient par s'impliquer bien mieux que n'importe quel brancardier. La cause de leur gaucherie était que ces femmes, élevées tout au long de leur vie dans un univers tout à fait infantilisant, passant de la tutelle du père à celle du mari, convaincues d'être aussi débiles que des petites filles, ces femmes donc arrivaient dépourvues de confiance en elles. Il fallait, parallèlement à mes leçons de secourisme, que je leur inculque la certitude d'avoir des compétences et les moyens de se surpasser".
En 1914, elle est réquisitionnée... à cause d'une faute d'orthographe : c'est le docteur Gérard Mangin qui est appelé. Vous vous en doutez, elle ne sera pas accueillie à bras ouverts par les militaires. Mais heureusement, Nicole Girard-Mangin a du répondant, du caractère et a tout à fait confiance dans ses capacités. Même si elle n'est traitée et payée (!!) que comme un infirmier au départ, elle finira par être reconnue en tant que médecin à part entière, et accèdera au grade de médecin-capitaine. Elle fut affectée d'abord à l'hôpital des contagieux près du village de Glorieux.
Elle passera par Verdun aussi, la Somme et Ypres. Elle sera chirurgienne tout autant que médecin gérant les maladies infectieuses. Alors que l'évacuation devant l'avancée des Allemands est ordonnée, elle reste avec les derniers blessés, les non transportables. Des soldats ennemis arrivent cherchant des soldats français valides à faire prisonniers, elle résiste, s'oppose... et l'officier assassinera quatre des malades sous ses yeux.
Elle vit des moments particulièrement durs sur le front, où la survie autant physique que psychologique tient parfois à peu de choses. "Bélagnon riait, son voisin se mit à rire, et tous les hommes rirent à leur tour. C'était à la fois magique et terrifiant, de voir ces monstres sublimes, défigurés à jamais pour avoir fait leur devoir. Ils riaient, bavaient, éructaient, certains avaient mal de rire, car leur visage déformé ne le pouvait plus. Il y avait de l'enfer et du paradis dans cette sale hilare." Elle rencontrera Suzanne Noël, l'une des toutes premières spécialistes de la chirurgie reconstructrice de la face.
Nicole Girard-Mangin sera admirée par ses patients, qui lui feront graver une plaque. Plaque qui sera pour elle la plus belle des décorations. Ils lui offriront une chienne qu'elle nommera Dun (pour VerDUN). Elle sera rendue à la vie civile à la fin de la guerre sans honneurs ni décoration. Atteinte d'un cancer, elle se suicidera en prenant des cachets en 1919.
Voilà une biographie romancée que j'ai dévorée ! Commencée un matin, je l'ai finie dans la soirée, prenant chaque moment de libre dans la journée pour m'y replonger. Cécile Chabaud nous plonge dans la vie de cette femme remarquable, passionnée de médecine et dévouée à ses patients, courageuse dans l'adversité, quelle qu'elle fût. Chabaud adopte un récit à la première personne, au style très début du XXème, on a donc vraiment l'impression que c'est Nicole qui nous raconte son histoire. La structure de l'ouvrage alterne les chapitres de 1919 et les souvenirs de sa vie. Les très courts chapitres datés de 1919 n'apportent pas grand chose de mon point de vue, et sont un peu répétitifs. Ils cassent le rythme de lecture. J'ai lu les derniers en diagonale.
Ce sera mon seul bémol pour ce livre qui m'a passionnée de bout en bout. C'est toute une époque qui prend vie sous nos yeux (rapports homme/femme, de classe etc) ainsi que la lutte d'une femme pour être acceptée pour ce qu'elle est : une scientifique et médecin de talent. La misogynie ambiante saute aux yeux. C'est un ouvrage très féministe, que l'on devrait entre toutes les mains (des jeunes filles surtout).
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