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Après la mort de sa mère, un jeune garçon de 13 ans doit apprivoiser son chagrin et celui de son père. Walter Keogh, qui dépèce 4 à 6 mois de l'année les baleines sur la petite île de Moreton Island, en Australie, est taiseux et a du mal à faire face à cette proximité nouvelle avec son fils. Il décide de l'emmener sur l'île pour lui apprendre son métier.
Le père, se révèle vite irresponsable et sans esprit pratique (il oublie de fournir à son fils des bottes pour le travail sur l'île: le gamin se retrouve donc avec des chaussures du dimanche en cuir, pas pratiques du tout), dur et injuste avec son fils. Nous sommes en 1960/61, et on imagine très vite comment il a été élevé par son propre paternel: à la dure. "Quand tu étais petit et qu'on allait à la pêche, tu te mettais toujours à hurlait dès que je faisais une prise. A tel point que ta mère me faisait tout rejeter à l'eau. On a fini par ne plus y aller. Mais tu n'es plus un gamin maintenant. Si ça ne tenait qu'à moi tu serais venu ici (sur l'île) avec moi depuis des années (on rappelle que le gamin à 13 ans!!). On t'a trop couvé. Ce n'est pas sain."
Alors que Sam se questionne énormément sur son deuil, sur ce qu'il va garder de sa mère (ses souvenirs vont-ils s'effacer petit à petit?), le père semble hermétique à sa peine, réfractaire à tout conseil (les rapports avec les beaux-parents sont difficiles). Évasif quand le fils lui pose des questions sur la vente de leur maison, il demande à ce dernier de mentir à ses grands-parents sur leur départ pour Moreton Island. Il n'a d'ailleurs pas demandé à sa hiérarchie si il pouvait amener un si jeune adolescent.
Là-bas, sur l'île, Sam n'a d'autre "ami" que Phil, un collègue et ami de Walter, une version plus douce de son père, un homme plus "attentionné" ou du moins à l'écoute. Pour le reste, les travailleurs ne sont pas ce qu'on peut appeler des enfants de choeur. Et l'adaptation sera dure pour Sam. Le dépeçage des baleines est une épreuve morale et physique (odeurs etc), qui vient s'ajouter à la dureté du rythme : ils commencent à travailler dans l'équipe qui fait le minuit-midi, et il n'y a aucun jour de repos. On en apprend plus, au cours du roman, sur ce métier dur, sur la chasse à la baleine, avec les bateaux qui se succèdent amenant leur triste cargaison.
Le rêve de la baleine explore un monde de masculinité toxique, une éducation à la dure, sans empathie ou presque pour les animaux (le cas du chiot baptisé Albert, acheté par le père non pour tenir compagnie à Sam mais pour servir de garde, est typique). Dans ce monde, Sam, en deuil de sa mère, est perdu, il a peur de décevoir son père, qu'en même temps il déteste pour l'avoir amené là où il n'a rien à faire vu son âge. IL entretient avec Walter et avec l'île et le métier un rapport d'amour/haine. L'avoir amené là confronte l'enfant en permanence à l'échec. "Il prit alors conscience qu'il ne serait jamais à la hauteur des attentes de son père, sa sévérité, son indifférence, et pourtant il désirait son approbation. Tel serait sans doute son destin : chercher à atteindre un objectif qu'il ne s'était pas fixé lui-même." Et échouer. C'est là toute la tragédie de ce type d'éducation qui vise à faire des garçons "de vrais hommes".
Ben Hobson décrit un monde qui génère de la violence "Il était maintenant si différent de ce qu'il avait été avant. Jamais, il n'avait eu une telle violence en lui. Pourquoi ces idées sordides lui passaient-elles par la tête? Pourquoi le laissaient-elles presque indifférent?"
Dans ce contexte, l'intrigue emmène Sam dans un crescendo digne d'une tragédie. Un accident, une rébellion et une dérive en pleine mer sur un radeau donneront l'occasion à lui-même et à son père de redéfinir leur relation.
J'ai beaucoup apprécié cette lecture, la langue de Ben Hobson dont c'est le premier roman. J'ai apprécié aussi qu'il ne fasse pas du père un être mauvais, mais victime lui aussi de cette éducation à la dure qui détruit plus qu'elle n'élève. J'ai peut-être parfois trouvé que ce jeune garçon de 13 ans avait des analyses très matures pour son âge. Enfin, la fin m'a semblé un chouïa facile. Mais une fois commencé, j'ai eu du mal à lâcher ce roman, un conte initiatique sensible, qui rappelle que les émotions ne sont pas un handicap, que l'écoute et le respect sont les socles des relations filiales solides.
Ma première participation au Challenge Book Trip en mer de Fanja et Light and Smell.