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Il y a de nombreuses années, j'avais lu Une femme à Berlin, journal anonyme d'une femme (sur)vivant dans la capitale du IIIème Reich à la toute fin de la guerre, d'avril à juin 1945. Récit poignant et effroyable de la survie dans une ville bombardée quotidiennement où la famine tue autant que les bombes, Une femme à Berlin est aussi la recension glaçante de ce que vécurent les femmes à l'arrivée de l'armée soviétique. 

Dans Seules dans Berlin, Nicolas Juncker imagine la rencontre entre cette Allemande et Elena Rijevskaïa, une soviétique membre du NKVD (successeur de la Tcheka, et ancêtre du KGB)  qui tient elle aussi un journal qui sera publié sous le titre Carnets de l'interprète de guerre. Il donne un nom à l'Allemande et change celui de la Russe et imagine ce qu'aurait pu donner leur rencontre. Il leur fait partager une chambre, un quotidien fait d'horreurs et de la peur comme compagne de chaque instants. Elles apprendront à se connaître après des débuts très difficiles et à reconnaître ce que leurs expériences de femme ont en commun.

Pour Ingrid, la survie c'est "abandonner" son corps aux soldats pour un peu de nourriture, et trouver comme stratagème d'être sous l'aile d'un gradé qui ne l'aurait que pour lui... Mais les soldats, même les gradés, ça peut disparaître...et il faut alors trouver un autre "protecteur" Son fiancé était SS, elle fait tout pour le cacher aux vainqueurs.

Evguenia quant à elle est chargée de traduire les quantités de documents trouvés dans le bunker d'Hitler. Elle y trouve les carnets de Goebbels, qu'elle traduit en cachette, car elle se doute de l'importance que cela peut avoir. Pour elle, il est crucial de garder des traces (elle rapporte dans son journal ses impressions des interrogatoires notamment) elle note tout. Étant au NKVD, même si elle est très jeune et au départ naïve, elle comprend vite qu'il lui faut agir en cachette. Elle se retrouve qui plus est impliquée dans l'imbroglio de l'identification du corps d'Hitler, les rumeurs les plus folles courant sur sa supposée fuite de Berlin. Avec elle, on voit tous les enjeux politiques pour Staline de prouver la mort du Führer, le vol du cadavre car il faut que ce soit telle armée qui l'ait découverte, et pas une autre etc... Bref, la tambouille macabre des dictateurs.

Cette bande dessinée, tout en noir et blanc (sauf deux cases - quand Ingrid mange de la compote de pommes) vous prend au tripes du début à la fin. Nous sommes spectateurs de l'humanité dans ce qu'elle peut avoir de pire, et de meilleur, le désespoir d'un peuple amené à sa destruction, le déni (interrogés, ils sont tous innocents, aucun n'avoue avoir été nazi bien entendu), la violence des Soviétiques, et bien entendu le sort abominable réservé aux femmes. J'ai beaucoup aimé le trait de crayon de Juncker, qui traduit dans les traits anguleux la douleur et la famine, le désespoir. J'ai aussi aimé sa vision de la rencontre deux femmes qui viennent de camps opposés, qui au départ ne peuvent pas se comprendre -  ne le veulent pas, peut-être. Puis le statut de femme les rapproche dans l'expérience de la douleur, de la survie, avec la naissance, si ce n'est de l'amitié, du moins du respect.

L'avis d'Une Comète.

Seules à Berlin - Nicolas Juncker
Seules à Berlin - Nicolas Juncker
Tag(s) : #Ma bibliothèque, #BD, #coups de coeur
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