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Je continue ma découverte du cinéma de Kurosawa, après Rashomon et Les Sept Samouraïs, avec Ran, un grand film d'époque librement inspiré du Roi Lear, la tragédie de William Shakespeare, sorti en 1984. C'est la troisième et dernière adaptation que fait le Japonais du maître anglais.

L'intrigue se déroule au 16ème siècle. Lors d'une chasse avec ses fils et trois seigneurs, le chef de clan Ichimonji Hidetora annonce qu'il va se retirer, et laisser l'administration de son clan à son fils aîné Taro qui occupera le château principal, les deux autres fils Jiro et Saburo auront les deux autres. Si le territoire est ainsi divisé en trois, Taro sera le chef, auquel ses frères devront loyauté. Hidetora garde quant à lui le titre de seigneur et une garde personnelle. Saburo, le plus jeune, trouve l'idée folle, et le fait savoir de façon véhémente à son père devant toute l'assistance. Ce que celui-ci n'admet pas, et en conséquence Saburo est banni.

De ce point de départ, Kurosawa tire un film magnifique. Je n'ai pas lu la tragédie de Shakespeare, mais ici, c'est la désintégration d'une famille, d'un clan rendu puissant par le père, à laquelle nous assistons. Le ver était dans le fruit, comme le dit le proverbe: qui sème le vent récolte la tempête. Ichimonji ne fut pas un seigneur de clémence et de paix : il agrandit son fief au prix de guerres et de massacres. L'épouse de son fils aîné est ainsi la fille d'une famille massacrée. Elle n'aura de cesse de semer la discorde, et pousser les fils à renier, voire assassiner leur père et au final détruire le clan Ichimonji.

Le père, exclu de son château par le fils aîné, va errer avec son escorte ainsi que le fou, personnage typique des tragédies. Il sera confronté aux conséquences de ses actes. Les fils, hormis Saburo, que l'on retrouve dans le dernier tiers du film, seront comme leur père, agrippés au pouvoir, peu importe les conséquences. Il sombrera petit à petit dans la folie. Errant à travers une nature tour à tour sublime et désertique comme une terre brûlée, dépenaillé, écheveulé, le maquillage le vieillissant de plus en plus marqué. Seul le fou et un dernier fidèle seront à ses côtés. Ran est une réflexion sur la soif de pouvoir, les actes que nous commettons et les conséquences. Mis face à la folie de sa soif inextinguible de pouvoir, Ichimonji est au bord du précipice. La fin du film est tragique (évidemment) et le dernier plan, absolument magnifique autant sur ce qu'il montre, que ce qu'il raconte.

Du point de vue de la forme, Ran est superbe. Costumes, plans, interprétation, tout est remarquable. La grande scène de bataille vers la fin du film, quand les cavaliers et les fantassins chargent est phénoménale. Côté esthétique, les costumes sont sublimes, et précisément choisis, notamment les couleurs : le jaune de Taro symbolise l’orgueil, le rouge de Jiro la violence, et le bleu de Saburo la loyauté. Ran reçut l'Oscar pour ses costumes.

2h40 qui passent à la vitesse de l'éclair tant on est fascinés et emportés par l'histoire.

Tag(s) : #Petit & grand écran, #coups de coeur
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