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Je vous parlai hier de Tatouage, un film de MASUMURA Yasuzo, inspiré de la nouvelle éponyme qui ouvre ce recueil de l'écrivain japonais TANIZAKI Junichiro. Tanizaki (1886-1965) est l'une des grande figures de la littérature japonaise du XXème siècle. D'une famille de commerçants fortunés, il publia très tôt dans des revues, mais fut très souvent censuré.  Ainsi Le tatouage est publié en 1910, alors qu'il a 24 ans. Le texte lance sa carrière.

Je dois dire que quand on a vu le film, la nouvelle, très courte, est assez déconcertante. De fait, on parle du tatoueur, de son côté sadique (sa technique est la plus douloureuse qui soit), de sa renommée telle que l'on se presse pour être l'objet de son attention artistique, mais qu'alors c'est le maître tatoueur qui choisir ce qu'il va dessiner. Comme dans le film, la jeune femme de la nouvelle est enlevée, après avoir été repérée (par la beauté de son pied aperçu alors qu'elle se trouvait dans un palanquin) puis tatouée contre son gré par le tatoueur sadique. Mais comme Otsuya dans le film, cette femme va accepter son sort et on comprend qu'elle deviendra la femme araignée qu'elle a tatouée dans le dos. Il n'y a donc dans la nouvelle rien des péripéties rencontrées par Otsuya : la fuite avec son amant, la vengeance, les meurtres etc. Masumura est donc parti de ce tatouage forcé et son côté un peu fantastique pour imaginer toute une histoire. J'étais donc presque déçue quand j'ai lu la nouvelle qui est, je le répète, très courte. Si j'avais lu d'abord la nouvelle, puis vu le film, mon sentiment aurait peut-être été différent. Mais on comprend, la nouvelle finie, que l'imagination de Masumura se soit enflammée à sa lecture.

Les deux autres nouvelles du recueil, Les jeunes garçons et Le secret, beaucoup plus longues (50 pages pour l'une, 30 pour l'autre) portent en elles beaucoup d'érotisme, la fascination pour le corps féminin et la perversion.

Dans Les jeunes garçons, trois garçons d'une dizaine d'années se retrouvent à jouer dans la maison de l'un d'eux, Shin-ichi. Très solitaire à l'école, plutôt tête de turc, il se révèle tout autre au sein de la magnifique demeure de ses parents, agissant dans ses jeux en petit tyran. Son invité Ei-chan est stupéfait de cette différence. L'autre invité, Senkichi, petite brute chef de clan à leur école, devient l'esclave de Shin-Ichi dès qu'il passe le portail de la demeure. Et le lundi à l'école, les rôles sont de nouveau inversés... Ils jouent également avec la grande sœur, Mitsuko, et leurs jeux sont fortement marqués par le sadisme et le masochisme, jusqu'à une soirée où les rôles changent encore. La chute ("Je ne sus jamais si les serpents verts étaient vivants ou morts" (je l'écris de mémoire, les mots ne sont pas tout à fait exacts)) porte en elle beaucoup de significations possibles: sur les apparences, les illusions, la beauté, la réalité du Mal etc.

Dans Le secret, un homme qui se travestit le soir (pour le plaisir d'être en femme, porter de beaux vêtements, pas pour se produire en spectacle) se retrouve au théâtre assis à côté d'une ancienne maîtresse d'un soir, rencontrée lors d'une traversée en bateau vers Shanghai. A l'époque, ils n'avaient échangé ni leurs noms, ni leurs adresses. Elle est geisha, ou peut-être pas, il le pense, mais pourrait être dans l'erreur. Ils se reconnaissent mutuellement et reprennent leur relation, à la condition, posée par la femme, que le secret reste intact: il monte à chaque fois dans un palanquin pour la rejoindre, mais ses yeux sont toujours bandés. Jusqu'à ce qu'il insiste pour découvrir le lieu de leurs rencontres.

Dans toutes ces nouvelles, l'érotisme est très présent, la transgression est centrale. J'ai aimé la plume de Tanizaki et je pense que je relirai cet auteur, qui nous plonge dans les pensées (pas franchement reluisantes) de ses personnages, et dans ce Japon du début du XXème siècle, qui fut longtemps censuré. Il explore les relations "atypiques", les ressorts et dynamiques de celles-ci. Quand on pense et s'intéresse au Japon, à son rapport à la sexualité, à la transgression Tanizaki me semble être un auteur à découvrir.

Ce recueil me permet de participer in extremis au challenge Bonnes nouvelles de Je lis Je blogue.

Tag(s) : #Ma bibliothèque
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