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On ne présente plus Ovidie, réalisatrice de documentaires (Tu enfanteras dans la douleur, A quoi rêvent les jeunes filles), écrivaine et féministe.
Dans cet ouvrage, elle raconte comment elle en est venue à cesser d'avoir tout rapport sexuel avec des hommes. C'est un ouvrage (l'autrice dit elle-même qu'il est cathartique, que ce n'est pas un pamphlet ou un essai) qui se lit très vite, bien écrit (même si certaines formulations, très littéraires, m'ont parues un peu saugrenues - des critiques les considèrent au contraire comme magnifiques ... question de goût j'imagine).
Cependant, là où dans ses documentaires Ovidie prend le temps de la construction de l'argumentaire et d'une réflexion pertinente et stimulante, je n'ai lu ici qu'un cri de rage, une désillusion terrible... et c'est tout. J'avoue qu'après avoir vu ses documentaires, je m'attendais vraiment à autre chose. Surtout, cela manque de nuances. Elle prête le flanc à la critique en étant très "généralisante", pas un homme, hormis les hommes trans peut-être, et son frère, ne semble trouver grâce à ses yeux. Tous des porcs, tous pourris.
Ayant suffisamment lu, visionné sur le sujet, et ayant côtoyé des hommes, comme tout femme, je suis bien placée pour savoir que beaucoup d'entre eux, voire une majorité ont un mode de fonctionnement misogyne, quel que soit le niveau de gravité de leurs comportements. Certains, que l'on pense très bien, auront, dans l'intimité (ou pas), des gestes et des paroles problématiques... à un degré plus ou moins grave. Même ceux qui sont respectueux des femmes, les considèrent comme leurs égales, auront parfois des réflexions typiquement misogynes, ou alors seront dans un profond déni de la réalité de nos sociétés considérant les femmes comme des objets, des citoyennes de seconde zone. Dans un certain sens, les hommes aussi sont victimes de ces règles non écrites qui se traduisent en violence sociale, économique, physique, psychologique. La grosse différence étant que les hommes violent, torturent et/ou tuent les femmes, et rarement l'inverse.
Pour en revenir à La chair est triste hélas, si Ovidie tape juste sur de nombreux aspects, comme le besoin permanent des femmes d'être d'une manière ou d'une autre dans la séduction, de se conformer à des canons de beauté, de comportement, la compétition entre les femmes pour être "remarquables et remarquées" sur le marché de l'hétérosexualité etc., elle généralise trop pour que cela ne mine pas son propos. Je comprends qu'elle a manifestement rencontré nombre d'hommes indélicats au mieux, criminels au pire, mais sa façon de tourner le propos me gêne. Une fois encore, je ne nie absolument pas le problème des rapports homme/femme, bien au contraire. J'ai vécu personnellement certaines violences, et des proches ont vécu bien pire... je suis au fait du problème. Mais là encore, la généralisation n'aide pas au propos. Surtout qu'elle touche du doigt un aspect fondamental : une fois qu'on a dénoncé la situation, comment réinvente-t-on les rapports homme/femme? Mais hélas, elle ne s'étend pas sur la question.
Au final, alors que je pensais lire un essai construit, argumenté, j'ai lu un cri du coeur, avec par moments des éléments intéressants de réflexion, mais cela n'a pas du tout stimulé mon intellect ni fait avancer ma propre réflexion sur le sujet. Dommage.