Les indésirables - Kuki Hughes

Kiku est ado, et franchement se balader dans San Francisco à la recherche de la maison de ses grands-parents, très peu pour elle. De ses ascendances japonaises elle ne sait que peu de choses, et ça ne l'intéresse pas plus que cela a priori. Elle ne parle d'ailleurs pas japonais, tout comme sa mère. Dans la famille, ce sont les arrières-grands-parents qui ont émigré aux Etats-Unis, ce sont des "Issei". La mère de Kiku est elle une "Nissei", car elle est née aux Etats-Unis. Sa propre mère ne lui a jamais appris le japonais.

Mais lors de ce voyage à San Francisco, Kiku est victime d'un phénomène paranormal: elle se retrouve transportée dans cette même ville mais juste après que les Etats-Unis soient entrés en guerre. Et les membres de la communauté japonaise y sont traités comme des parias et même pire: de potentiels ennemis de l'intérieur, ils sont donc parqués dans des camps (j'ai cru comprendre que les Japonais à l'est du pays n'ont pas subi le même sort que ceux de l'ouest, mais j'imagine qu'ils ont dû tout autant subir le racisme et la méfiance).

Kiku va donc vivre aux côtés de ces gens qui pour beaucoup n'ont plus du tout de contact avec leur pays d'origine (qui n'est parfois d'ailleurs que celui de leurs parents), et elle se retrouve même dans la chambre à côté de celle de sa grand-mère.
Les indésirables est un album émouvant, très instructif sur un thème qui nous est souvent méconnu à nous Européens: le traitement terrible qui fut fait aux Japonais, ou personnes issues de l'immigration japonaise aux Etats-Unis pendant la seconde guerre mondiale. A travers l'histoire de sa famille, Kiku Hughes nous donne à ressentir leur désarroi, leur colère, la dureté des conditions de vies dans ces camps dans le désert de l'Utah. Cette histoire résonne énormément pour elle, quand au moment où elle l'écrit Donald Trump est alors candidat à la présidentielle en 2016 et promet d'empêcher tous les musulmans d'entrer dans le pays. Hughes met en miroir ce racisme idiot qui fait l'amalgame, elle illustre la difficulté pour les immigrés et descendants d'immigrés à "gérer" leur héritage culturel: l'oublier, l'adapter, le revendiquer?

Le dessin à l'ordinateur et sa colorisation ne sont pas mes préférés, mais ils restent agréables, par un choix de palette plutôt bien trouvé, ainsi que le découpage, et l'idée aussi de laisser parfois les pages entièrement silencieuses.

Comments

[A_girl_from_earth]

Noté, tu penses bien ! C'est tout à fait le genre d'histoires qui me parlent. Pas fan du tout du graphisme en revanche. Ça m'a l'air de manquer d'âme. Ça doit être l'effet "dessin à l'ordinateur". Mais bon, je ferai avec.:)

[Choup]

Non, ce n'est pas ce que je préfère non plus en terme de graphisme. Tu mets le doigt dessus: ça manque d'âme, mais le fond n'en manque pas! et d'une belle réflexion sur la transmission et la tolérance.