
Rassurons les lecteurs et lectrices qui ne supportent pas ça : aucun enfant n’est assassiné dans ce roman. Tuer le fils, c’est un peu, beaucoup, le pendant d’un concept de la psychanalyse : tuer le père.
Dans ce nouveau polar, Benoît Séverac explore donc la relation filiale (un thème qui travaille l'auteur, manifestement), à travers celle, plus que tourmentée, de Matthieu avec son père. Matthieu qui 13 ans auparavant, pour impressionner ce père, a tué un homme. C’est dire à quel point la relation est tordue, perverse. Matthieu, fils constamment rejeté et méprisé par son père, motard raciste et homophobe. Père que l’on retrouve assassiné, deux jours après la libération de prison de son fils.
Commence alors l’enquête menée par Cérisol et son équipe de la police versaillaise. Séverac nous immerge dans l’équipe de la Criminelle menée par un policier chevronné, Cérisol, accro à la confiture, secondé par Nicodemo, d’ascendance portugaise et très croyant, et le jeune Grospierre, docteur en anthropologie et pratiquant les arts martiaux. Un trio de personnages bien en chair (surtout Cérisol, avec son appétit sucré), dont les interactions donnent une belle épaisseur à ce polar, qui ne manque pas d’humour.
La construction de ce polar est comme toujours millimétrée. On ouvre le roman sur la mise en garde à vue de Matthieu, présumé meurtrier de son père. Par la suite, les chapitres alternent entre enquête et textes de Matthieu, écrits en prison durant un atelier d’écriture (ces textes seront d’ailleurs d’une importance capitale dans l’enquête (et j'avoue avoir pensé à Basic instinct plus d'une fois)). On découvre donc sa vie et son enfance auprès de ce père maltraitant et violent.
Tuer le fils fouille les méandres des relations humaines, des liens qui unissent un parent à son enfant, à tous les âges de la vie. Évidemment avec cette relation torturée entre Matthieu et son père, qui semble ne pouvoir se terminer que dans la violence. Mais, également, à travers les personnages qui peuplent ce roman. Benoît Séverac explore toutes sortes de relations parent-enfant, heureuses, contrariées, ou inexistantes. Symboliques, aussi. Chaque relation sonde les différentes facettes de ces liens qui unissent pour le meilleur, et pour le pire parfois, deux personnes.
Dans ce roman noir, Séverac délaisse un peu la veine sociale qui marquait ses précédents ouvrages comme la duologie toulousaine Trafics et 115. On est moins dans l’exploration des dysfonctionnements de notre société, et plus dans l’anthropologique, le psychologique, tant l’auteur s’applique à décortiquer les ressorts des relations humaines.
Tuer le fils est un roman assez différent de ses précédents, moins noir dans le ressenti de lecture (en tout cas pour moi). Si le style est toujours impeccable, se bonifie même, il y a beaucoup plus d’humour, peut-être, justement, pour désamorcer la noirceur des faits qui y sont relatés. Car quoi de pire pour un enfant d'être rejeté, méprisé par son parent?
Un roman puissant qui devrait convaincre les indécis (ne vous signalez pas, vous me feriez de la peine) que Séverac est un grand écrivain.