#NoëlConseil - 2 : le choix de Céline Denjean

Pour ce deuxième #NoëlConseil, après Stéphane Servant hier, c'est l'auteure de polar Céline Denjean (un coup de coeur pour chacun de ses ouvrages, La fille de Kali, Le Cheptel, Double Amnésie), qui nous donne son conseil de lecture: De bonnes raisons de mourir de Morgan Audic.

Une plume riche et fluide au service d’une intrigue intelligente et enrichissante.

Soyons clairs, on attend premièrement d’un thriller qu’il nous livre une intrigue bien huilée au travers de laquelle suspense et révélations sont distillés au fil des pages pour notre plus grand plaisir. On n’exige pas du polar qu’il nous éclaire sur le monde… mais lorsque c’est le cas et que c’est bien fait, on referme le bouquin avec le sentiment jouissif d’avoir appris des choses tout en ayant pris du plaisir à lire. Et quoi qu’on en dise, cette performance est rare car l’exercice est périlleux : pour y parvenir, l’auteur doit éviter l’écueil d’une approche trop didactique, il doit opérer un tri constant entre l’information utile (utile à l’ambiance, utile à la compréhension d’un phénomène, d’une société, d’une réalité, de l’intrigue…) et l’information polluante c'est-à-dire celle qui va alourdir le récit, empeser le rythme, donner le sentiment au lecteur que l’auteur « s’écoute écrire. » Et lorsqu’on sait la part énorme de recherches qui incombe à l’auteur, on mesure la difficulté qu’il peut parfois y avoir à opérer ce tri. Pour finir sur ce point, une fois le tri opéré, reste encore à l’auteur à savoir raconter, c'est-à-dire à incorporer au cœur même de son récit tous ces éléments d’informations utiles sans que ceux-ci soient indigestes… Pardonnez l’analogie mais elle a le mérite d’être éclairante : il y va d’un bon thriller comme d’une bonne pâte à crêpe, les ingrédients doivent être bien dosés et bien liés afin que la pâte soit juste épaisse comme il faut, et défaite de tout grumeau !

Vous l’aurez compris, Morgan Audic a réussi cette performance : grâce à « De bonnes raisons pour mourir », nous ferons un voyage constant entre l’ex-URSS des années 80 et la Russie et l’Ukraine d’aujourd’hui, et ce grâce à une intrigue qui s’origine dans la catastrophe de Tchernobyl. C’est d’ailleurs là qu’on se rend bêtement compte que l’année 1986 – lourdement marquée du sceau nucléaire – appartient pour nous au passé comme une sorte de pic phénoménal dans l’encéphalogramme de l’Histoire – une explosion redoutable en somme... sans effet de blast ! Absurde, n’est-ce pas ?! C’est ce que « De bonnes raisons pour mourir » va nous faire découvrir tout au long de ses pages : l’onde de choc derrière Tchernobyl se répercute encore, distillant ses effets dans tout le corps sociétal, social, politique, économique…

Voilà donc la toile de fond particulièrement maîtrisée d’une intrigue rondement orchestrée qui débute avec la découverte d’un corps martyrisé, suspendu sur la façade d’un immeuble délabré de Pripiat – l’une des villes ukrainiennes ravagées par la catastrophe nucléaire. Dès la première page, nous voilà donc plongés au cœur d’une zone aujourd’hui encore sinistrée, désertique, rendue inhabitable… c’est du moins ce que nous pensons. « De bonnes raisons pour mourir » va dérouler deux enquêtes autour de ce meurtre et nous immerger au fil des pages dans un thriller haletant et riche en enseignement…

Incontestablement, une de mes meilleures lectures de l’année 2019 !

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Merci à Céline Denjean d'avoir pris le temps de partager ce conseil de lecture. (Et maintenant,vu la longueur de cette "petite chronique", vous comprenez qu'elle ne peut écrire que des pavés...pour notre plus grand plaisir!)