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Avant d'écrire Au coeur des ténèbres, qui inspira Apocalypse Now, Joseph Conrad (1857-1924) écrivit une première fois sur la colonisation en Afrique, et plus précisément au Congo, alors possession des Belges sous le roi Léopold II. Polonais d'origine (et non pas Ukrainien comme j'ai pu le lire ici ou là), Conrad (de son vrai nom Joseph Conrad Korzeniowski) émigre au Royaume uni dans sa jeunesse. Marin chevronné, il a écumé les mers dès ses 17 ans. C'est en tant que capitaine d'un bateau fluvial qu'il découvre l'Afrique en 1890 et en tire des oeuvres marquantes qui ont inspiré de nombreux auteurs français comme Gide, Malraux ou Céline.
Dans Avant-poste du progrès, Conrad nous présente la confrontation entre deux occidentaux (Kayerts et son subalterne Carlier) et la nature sauvage africaine. Et bien entendu les Africains eux-mêmes. Deux hommes, plutôt connus pour leur incompétence (l'un a même été dégagé vers l'Afrique par sa famille qui n'en pouvait plus de sa paresse et de son sale caractère), sont donc laissés par un steamer au coeur des terres, bien loin de la "civilisation", avec pour seule compagnie Makola, qui se fait aussi appeler M. Price, originaire de Sierra Leone, de sa femme et de quelques "indigènes" qui n'osent plus rentrer chez eux de peur d'être mangés par les tribus locales.
En quelques 50 pages, Conrad décrit la dégénérescence de ces Blancs imbus d'eux-mêmes, pilleurs de ressources sans scrupules. Avec ces deux hommes, c'est toute la colonisation qui est dénoncée par l'auteur. Mais aussi comment, confrontés avec la nature sauvage, ils perdent petit à petit tous leurs repères occidentaux de morale et d'éthique. Conrad décrit très bien cette déliquescence intellectuelle, l'indolence morale, le racisme. On ressent l'oppression face à cette nature inextricable. De son côté, Makola reste indéchiffrable pour nos deux comparses, mais c'est bien lui qui gère tout, qui parle aux Noirs qui viennent au comptoir, négocie avec eux.
Beaucoup ont reproché à Conrad d'être raciste dans Au coeur des ténèbres, véhiculant une image très négative des Noirs. Avec Un avant-poste du progrès, les Africains ne sont pas forcément plus présents dans le récit, mais ils sont bien plus actifs.
Une nouvelle qui est une bonne introduction à l'oeuvre de Joseph Conrad, à son style.
Autres participations au mois anglais: Mémoires de jeunesse, La folie du roi George, Peaky Blinders.