Non, mais écoute, c’est re-lou, on peut plus aller à la plage ! j’te jure ! Hier on a vu ces beaux mecs, là, ils sont au camping. Ils étaient à la piscine de mer, à faire des sauts per’ et tout, y’en avait un avec des abdos de folie ! Hein ? mais non, on n’a rien fait. Non mais pour qui tu nous prends ? Bon évidemment, ils nous ont même pas calculées, ils ont au moins 16 ans. Si, j’te jure. Quoi ? non je crois que c’est des Allemands ou des Hollandais. Ouais, mon père dit que c’est des gars de la colonie des chleuhs. Sais pas. Mon paternel il parle zarbi des fois. Non, mais allez, laisse moi te raconter ce qui est arrivé, quoi ! Ouais, bon, Lola a fait sa maline, elle les a suivis jusqu’au camping. Bon, ben je l’ai suivie, tu penses. J’allais pas la laisser en profiter en loucedé ! Sauf que cette idiote, elle se souvenait plus après comment on faisait pour revenir là où les parents avaient laissé la caisse. Mais ouiiii ! c’est ce que je lui ai dit, comment tu peux pas te souvenir, tu viens là tous les ans, putain ! enfin bref, on zone un moment et on finit par retrouver le chemin. Mais bon, dans cette ville de bourges, tout se ressemble aussi. On est arrivées en retard – hein ? Non, on était que toutes les deux - eh ben justement si cette hyène d’Emma avait été avec nous, elle nous aurait pas balancées ! Je la retiens celle-là, je vais lui faire son affaire. C’est clair ! Je te raconte pas, j’ai encore les oreilles qui tintent de la baffe que je me suis prise par ma mère ! Et devant toute le monde en plus ! t’imagine un peu la honte ! La garce. Elle était hystérique ! Tout ça parce qu’on avait 1 heure de retard, non mais je rêve quoi. En plus elle m’a fait tout un cirque parce que soit disant nos shorts étaient trop courts. J’avais le noir, tu vois celui avec les – oui c’est ça ! exactement, avec la tête de mort sur la poche arrière. Tu le trouves trop court ? ah voilà c’est ce que je lui ai dit. Non mais attends, je vais pas porter leurs bermudas de grand-mère qu’arrivent aux genoux non plus ! Et alors, tu aurais entendu dans la voiture les -
Oh attends ! Non, chut, laisse-moi écouter. Oh putain, elle monte, faut que je raccroche ! Salut ma poule !
Texte écrit pour l'atelier #193 chez Leiloona.
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Et voici le deuxème texte écrit (en fait, le premier, mais je n'étais pas satisfaite).
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Ma chère Héloïse,
J’ai été très heureux d’apprendre la naissance de ton petit Erwan. Je regrette de ne pouvoir me déplacer pour le rencontrer et te féliciter pour ce bel évènement. Thuy Hang m’a raconté que cela avait été un peu rocambolesque, avec le pneu crevé et l’orage mais finalement tout s’est bien passé.
Ta grand-mère est en ce moment avec le kiné. Depuis sa chute il y a six mois, elle doit être mobilisée tous les jours pour espérer retrouver toute ses capacités. Elle a déjà fait beaucoup de progrès mais elle ne peut pas encore marcher seule. Et elle est bien sûr très agacée par son manque d’autonomie, et tu connais ta grand-mère, dans ce genre de situation, elle n’est pas des plus aimables.
Je sais que son caractère n’est pas facile, que sa rudesse et sa – je cherche le mot juste – rigidité en a blessé plus d’un. Dont toi, ma chérie. Il est bien évident qu’à son âge on ne la changera pas. Lors de l’enterrement de tes parents, elle était effondrée de chagrin et les mots ont dépassé sa pensée. Non, je ne vais pas être hypocrite, j’ai passé l’âge et toi aussi. Soyons honnêtes : ce jour-là ta grand-mère a transformé tout son chagrin en colère, et toi tu étais là, proche, cible facile de sa colère. Alors elle s’est « lâchée », comme vous dites, vous les jeunes. Et moi je n’ai rien dit. Je l’ai laissée te rabaisser, t’accuser des pires choses.
Cette lettre ne va rien changer au passé, j’aimerais juste qu’elle infléchisse notre avenir. Pas la peine d’être grand devin pour savoir qu’il ne me reste plus que quelques années à vivre. Si j’arrive au centenaire ce sera un miracle. Mais toi ? Tes enfants ? J’ai encore vu hier sur un magazine que le passé à une influence sur des individus qui ne l’ont pas vécu. Les familles sont traversées par des histoires personnelles et collectives qui imprègnent leurs membres. Je me refuse à penser que notre histoire peut avoir une influence négative, de quelque façon que ce soit, sur toi et tes enfants. Je ne veux pas que tu restes sur l’idée que tu es, même de la manière la plus infime, responsable de la mort de tes parents. La décision qu’ils ont prise n’a rien à voir avec toi. L’irrationalité de ta grand-mère t’a persuadée du contraire ? J’espère que non. Peut-être ne nous parles-tu plus parce que justement tu ne le sais que trop bien.
Tu vois, sur cette photo, nous sommes avec ton grand-oncle, ton père et son ami Gianni. Ils n’avaient que 13 ou 14 ans à l’époque. Mais ils étaient inséparables depuis des années déjà. Ce cliché n’a rien d’exceptionnel. Une image de vacances à Dinard, sous un soleil agréable, une mer aux reflets d’argent, comme des éclats de diamants qui nous faisaient plisser les yeux. Je me souviens de journées dans la vieille ferme en pierre grise, les expéditions à la plage, la pêche et les soirées sous les étoiles, à chasser d’un œil endormi les étoiles filantes. A cette époque, certaines choses étaient bien trop étranges pour nous. Trop extra-ordinaires. Gianni a toujours été plus qu’un ami pour ton père. Mais jamais nous n’avons pensé que cela allait au-delà. Tu étais trop petite pour comprendre ce qu’il s’est passé. Ta grand-mère n’a fait que ce qu’elle croyait bon pour sa famille, en bonne matriarche. Elle n’a pas compris qu’un amour véritable se moque des ultimatums -
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La tapisserie est jaunie par endroits, les motifs totalement effacés par le soleil en face de la baie vitrée. Des cadres s’accrochent comme ils peuvent au mur Dans un coin de la pièce, un déambulateur disparaît presque totalement sous les vêtements posés pêle-mêle attendant d’être pliés et rangés. La télévision diffuse une série à l’image granuleuse, et éclaire par intermittences la pièce, sa clarté brutale révélant le temps de quelques secondes un intérieur comme abandonné. Sur le perron, un grand chat roux passe et repasse, se dresse, appuyant ses pattes sur la vitre et tente de distinguer celui qui l’a recueilli un jour d’hiver. Son attention est attirée par les feuilles de platane balayées par le vent violent. Mais pas pour longtemps. Il revient à son poste et miaule de plus belle.
Une lettre repose sur le bureau au milieu des détritus. Une enveloppe cornée est appuyée contre une bouteille de limonade vide, la partie supérieure d’une photo en noir et blanc dépasse de son ouverture. Des papiers de bonbons, des berlingots pour la plupart, des miettes de pain, des chiffons. La lueur du vieil écran d’ordinateur révèle les tâches qui parsèment le papier à l’encre délavée. A l’image, des cartes sur un tapis vert.