Au cœur d'une période de désordre politique et religieux, où Orangistes et papistes s’opposent dans des conflits sanglants, dans l'Ecosse des massacres et des rois rivaux du XVIIe siècle, Corrag, jeune fille accusée de sorcellerie, attend le bûcher. Le révérend Charles Leslie a fait le voyage depuis l'Irlande pour venir l'interroger sur le tristement célèbre massacre de Glencoe dont elle a été témoin. Et trouver ainsi des arguments pour sa cause, celle de Jacques, roi exilé d’Ecosse.
Dans ce cachot humide et froid, Corrag et Charles vont peu à peu s’apprivoiser, se découvrir. Corrag raconte son histoire, ses douleurs, ses bonheurs, et pour finir la tragédie de Glencoe.
Entremêlant très habilement récit de Corrag et lettres de Charles à son épouse, Fletcher offre un roman d’une grande force, poétique, lyrique parfois. Qui vous prend aux tripes et vous noue la gorge.
Corrag est un personnage terriblement attachant, une femme qui tente malgré tout de survivre et d’être enfin autre chose que « sorcière » ou « gueuse ». Charles quant à lui, va petit à petit voir son avis changer sur Corrag, dont il ne voyait au début que la représentation typique de la sorcière : petite, sale, au regard si particulier, à la parole si facile qu’elle ne peut être que l’œuvre du démon. A travers les lettres à sa femme Jane, on lira son désarroi devant ce petit bout de femme si fragile et pourtant si résistant, et ses assurances d’homme d’église ne seront bientôt plus que souvenir.
Avec Corrag, vous vivrez les persécutions, l’hypocrisie, la peur et la fuite. Mais aussi l’ivresse des espaces vierges, de la nature, le plaisir de la brise de printemps, le bonheur d’être enfin acceptée, l’espoir d’une vie meilleure.
Avec Charles, vous questionnerez vos convictions modernes, et vous demanderez « et moi, quels sont mes préjugés ? », vous verrez un homme qui doute, qui sait finalement se remettre en question, et qui trouve au-delà des dogmes et vérités toutes faites, au-delà de l’étroitesse d’esprit propre à l’époque, une femme dont la bonté n’est ni chrétienne, ni barbare. Juste une belle âme qui ne connait pas la souillure de la politique, de la haine ou de l’envie. Alors qu’à leur première rencontre il se réjouissait à l’idée du bûcher qui attendait Corrag, désormais, il ne supporte plus de la laisser aux mains de bourreaux qui n’ont de chrétien que le nom.
Un livre magnifique, des personnages étonnants et attachants à la psychologie fouillée. Jamais de clichés, de facilités ici, et une mise en contexte de l’époque qui donne au récit une profondeur et une densité rares. L’intrigue est fort bien tenue, le rythme soutenu.
Le style de l’auteur est à l’aune de son récit : lyrique, puissant, évocateur, enchanteur même. Un roman que je n’ai pu lâcher une fois entamé.
Je remercie vivement Babelio et les éditions Plon pour cet envoi, et vous recommande très chaudement cette auteure.
Les billets de Fashion, Liliba et Ys: toutes trois emballées aussi!
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