Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Décidément, deux lectures consécutives qui m'ont totalement emballée, dans des sujets complètement différents et donc pour des raisons et sur des styles diamétralement opposés. Ce roman de Margaret Atwood que je vous présente ici et The time-traveler's wife d'Audrey Niffeneger dont je parlerai le 15 juin prochain, puisque c'est une lecture commune avec AbeiLLe et MyaRosa.

Mais revenons à ce roman poignant et terrible d'Atwood, auteure célèbre que je découvrais ici.Offred (traduisez de fred), est une servante écarlate. Un "utérus sur pattes." Sa seule et unique fonction au sein de la république de Gilead est la reproduction: le taux de fertilité est en effet en chute libre. Elle est une "ressource nationale". C'est elle qui nous raconte dans ce journal sa vie présente et passée.

Dans cette société, la femme est un objet. Quel que soit son statut: Epouse, Servante, Martha (domestique), - chacune ayant un code couleur -  elle est la propriété de la société toute entière. C'est tout l'ignoble paradoxe de ce régime: http://www.madrascafebooks.co.nz/images/images_product/0099740915.jpgdonner une importance centrale et un caractère sacré à la femme, et pour cette même raison la priver de tout libre arbitre, de toute liberté, de toute dignité. La servante écarlate comme Offred est l'exemple ultime de la place de la femme dans cette société: ventre, elle ne peut même plus porter son nom, seulement celui de l'homme qui doit l'engrosser. Et dès qu'un enfant sera né, elle sera transférée dans une autre maison pour de nouveau "procréer".

Tout au long de récit, nous suivons la lutte de Offred pour ne pas perdre la raison, pour se souvenir aussi, et pour vivre enfin, la peur toujours chevillée au corps. Elle nous raconte également le passé: son mari, sa fille, sa mère etc. Et nous laisse entrevoir les débuts de la république de Gilead, les circonstances et les raisons de la révolution religieuse qui a donné naissance à ce régime totalitaire.

Margaret Atwood livre un récit d'une aridité rare. Aussi aride que la vie de ces femmes cantonnées dans des rôles stéréotypés, engoncées dans des règles d'un autre âge, toujours sur le qui-vive de peur d'être dénoncées. Par une foule de détail plus terrifiants les uns que les autres, nous est donné à voir une société ultra-répressive, fondée sur la foi, dans laquelle le Mot est source de liberté potentielle et donc dangereux. Aucune femme n'a le droit de lire. Les livres sont l'apanage des hommes. Gardés sous clés. Lire un mot brodé sur un coussin est déjà un acte subversif. L'homosexualité, tout comme l'avortement et l'adultère sont punis par la peine de mort, et les coupables exposés aux remparts de la ville, comme au moyen âge. Aucun accès, lors de la grossesse à quelques tests que ce soit, ni lors de l'accouchement, qui se fait devant l'ensemble des femmes de la communauté concernées: Epouses et Servantes écarlates. Et dans un monde où la femme est objet, son pire ennemi n'est pas seulement l'homme mais aussi et surtout l'autre femme.  Qu'elle soit Tante (genre de sergent-instructeur de la future Servante écarlate), ou Epouse. Des exécutions publiques ("salvagings") sont organisés, ainsi que des "particicutions": des exécutions dont les bourreaux sont les servantes écarlates elles-mêmes. Des lynchages publics. Et ainsi de suite. Une société terrifiante. Éprouvante à découvrir pour le lecteur.

En somme ce qu'Atwood dépeint c'est un concentré de tout ce que l'on peut imaginer de pire aujourd'hui: fanatisme religieux (chrétien, et autre), extrémisme de toute obédience, problèmes environnementaux (qui auraient mené notamment aux problèmes de fertilité) etc. J'ai vu dans cette république de Gilead un concentré de ce que l'humain porte de pire en lui. C'est terrifiant, fascinant et souvent, on se dit que c'est un futur possible, car nos sociétés actuelles portent en elles les germes de ce Gilead avec les divers fondamentalismes (chrétiens, islamiques etc) et toujours la place de la femme dans l'organisation sociale. En effet, on nous rabache les différences homme/femme pour justifier la place de chacun, avec si possible la femme aux fourneaux, bien obéissante, les "c'était mieux avant" et autres refrains.

Un roman éprouvant et magistral qui rappelle 1984 de G. Orwell.

 

Publié en français sous le titre La servante écarlate.

Les avis de Chiffonnette et du Biblioblog.

Tag(s) : #Ma bibliothèque, #coups de coeur
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :