
Murambi revient sur le génocide qui se déroula au Rwanda a partir d'avril 1994 et dura 100 jours. Nous proposant les points de vue et expériences de différents personnages, Hutu, Tutsi, Français, Boubacar Boris Diop nous plonge dans un des pires épisodes de l'Histoire du XXème siècle.
Il y a Michel, qui pressent l'horreur, alors que l'avion du président rwandais vient jtout uste d'être abattu par un missile; il y a Aloys, Hutu, membre des Interahamwe, milice de cette ethnie, abreuvé à la mamelle de la haine; Jessica, espionne pour le FPR, Cornelius personnage central, exilé pendant des années à Djibouti, qui revient en 1998 pour apprendre que son père, médecin, a organisé le massacre de l'Ecole technique de Murambi, faisant tuer par la même occasion sa épouse tutsi et leurs deux enfants.
Tous ces personnages nous donnent à voir l'horreur de ce génocide. Chacun apporte un éclairage particulier sur la tragédie, et permet ainsi au lecteur un début de compréhension d'une situation terriblement complexe, où le sang coule à flots, les horreurs se multiplient, et l'absurde semble être la règle.
Je précise pour ceux qui seraient hésitants, que si certains passages peuvent être éprouvants, ils sont rares et souvent très courts. Cette lecture n'est donc pas trop difficile.
Tout l'intérêt de ce roman tient dans la lucidité incroyable dont fait preuve l'auteur. Il nous montre ces personnages sans complaisance, il ne cherche pas à les cacher derrière des prétextes ou des excuses. Cette objectivité est terrible et totalement nécessaire. Diop expose toute la complexité du problème, les pères qui deviennent meurtriers tout en cachant chez eux des enfants Tutsi, les survivants qui ne sont plus complètement vivants, les bourreaux qui vivent tranquillement leur vie. Diop n'épargne ni les Rwandais, ni les Africains, ni les Français et leur opération "Turquoise". Voilà un roman qui n'est ni pleunrichard, ni complaisant. C'est un roman intelligent, d'une objectivité effrayante parc e qu'elle révèle de l'âme humaine. Un livre à lire absolument.
" Avant de partir nous avons pris ce qui pouvait être intéressant: bijoux, montres, argent, lunettes de soleil, chaussures et des tas de petites bricoles. Une ceinture. Un briquet jetable. Des chaussettes pas trop usées. Ca peut toujours servir. Nous avons tout mis ensemble pour nous le partager à la fin de la journée. C'est une bonne idée que notre chef à eue là; c'est bien pour un chef d'être juste, comme ça on te respecte et il n'ya pas de bagarres. Dans d'autres groupes d'Interahamwe, les gars se tapent déja dessus: l'un veut tuer une fille et l'autre veut la garder pour ses soirées, ou inversement. C'est humain, dira-t-on. Je veux bien, mais, quand on commence à faire des sentiments, on ne peut plus s'arrêter et c'est le travail qui en pâtit." pp.110-111.
Un roman lu dans le cadre du Défi Afrika. La lionne vous emmène sur le billet récapitulant toutes les participations.