4ème: Depuis l’arrivée des soldats sur l’île de Bougainville, il ne reste qu’un seul Blanc dans le village où habite la jeune Matilda. Il s’appelle M. Watts, porte un nez de clown, promène sa femme dans un chariot et s’improvise maître d’école. Chaque leçon commence par la lecture à voix haute d’un chapitre des Grandes Espérances, écrit par l’un de ses amis, M. Dickens.
Alors que les échanges de tirs résonnent dans les montagnes, Matilda et ses camarades se passionnent pour les aventures vieilles d’un siècle d’un petit orphelin surnommé Pip, dans une ville appelée Londres, dont les contours leur semblent bientôt plus réels que leur région à feu et à sang. À leur tour, quelques adultes du village poussent la porte de l’école et viennent raconter leurs propres histoires, pour transmettre aux enfants la sagesse des anciens.
Mais dans une île ravagée par la guerre, l’imagination ne protège pas toujours de la folie des hommes.
Un roman découvert grâce à MS, qui me le rapporta il y a de cela deux ans de Nouvelle-Zélande, où il avait reçu un prix (le livre, pas MS), et sorti de la pal grâce à InColdBlog. Je les remercie vivement!
Matilda est une ado indépendante, vive, mais la vie sur une île soumise à un blocus extrêmement strict est triste et envahie par la peur.
Mr Watts est un personnage bizarre: homme blanc, il tire une carriole sur laquelle se tient immobile et muette sa femme Grace, originaire de l'île et donc noire. Mais Mr Watts, dont les enfants se moquent, va changer leur vie en leur faisant découvrir Les grandes espérances, de Dickens, et son personnage principal, Mister Pip.
Ce livre est formidable. Et il a eu un effet bizarre sur moi. Tout d'abord pendant la lecture, je l'ai apprécié, mais sans être totalement prise par l'histoire. Et puis, après lecture, à des moments inattendus, des passages me revenaient à l'esprit, et j'y trouvais des sens cachés, j'en faisais une deuxième lecture. Car c'est bien un roman à plusieurs niveaux de lectures que Lloyd Jones a écrit. C'est d'abord l'histoire d'une communauté, et d'une adolescente, vivant sur une île (Bougainville, en Papouasie Nouvelle Guinée) totalement coupée du monde, prise entre des révolutionnaires et mercenaires qui se livrent, tous, à des exactions terribles sur les villageois.
C'est aussi une réflexion, que dis-je, une célébration de la lecture et du pouvoir de la littérature comme échappatoire . Mais aussi comme mise en perspective du monde. La littérature, enfin, comme l'ordre (celui créé par un auteur) face au chaos de la réalité. C'est aussi la littérature face à la religion: quand tout va mal, vers laquelle se tourner? La littérature, enfin, qui crée des personnages dont on a l'impression qu'ils sont réels. Tellement réels que l'on pourrait leur parler. Tellement réels que l'on a envie de les gourmander s'ils font une bêtise ou prennent une mauvaise décision.
Enfin, c'est une réflexion sur la vérité, le fait qu'il n'y en aie pas une, mais plusieurs, que chacun voit la réalité à sa façon et crée ainsi sa propre vérité. Qui n'est pas la Vérité telle que comprise dans la religion par exemple, une et indivisible, inaltérable, irrémédiable.
Un beau roman, assurément, qui donne une sacrée envie de lire Dickens, et qui malgré (ou à cause) d'une lucidité, d'un réalisme terribles, garde tout de même une trace d'espoir.
Les avis de Karine:) et Leiloona.
Lloyd Jones dans ce roman s'inspire de faits réels, ceux qui se sont déroulés dans les années 90 sur l'île de Bougainville. Pour en savoir plus, je vous propose de lire cet article de 1997 paru dans Libération, ou encore cet article, celui-là en anglais.
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