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Quand on voyage à l'autre bout de la planète, on a le temps de voir (beaucoup) de films. C'est parfois l'occasion d'en revoir, ou d'en découvrir. Ce fut le cas avec ce film germano-australien (ou australo-germanique?), Lore, du nom du personnage http://images.allocine.fr/r_160_240/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/94/48/26/20438552.jpgprincipal, une jeune adolescente, qui va devoir prendre en charge ses frères et soeurs dans une Allemagne vaincue, dont les forces alliées prennent petit à petit le contrôle. Longue fuite à travers un pays dévasté. Pourquoi la fuite? Parce que le père de cette fratrie est un criminel nazi. Inversion des sujets habituels des films sur la période: ce ne sont plus des Juifs ou des résistants qui fuient, mais les enfants de nazis.

Lore, qui ne connaît rien de la vie, va devoir faire son apprentissage sur la route, dans la peur permanente de rencontrer des troupes américaines, l'angoisse de trouver de la nourriture et un toit, plus forte encore puisque sa plus petite soeur n'est qu'un bébé.

Elle rencontre Thomas, un jeune homme juif, qui va les aider à faire un bout de chemin. Alliance étrange, Lore oscille entre la haine automatique, instillée par des années de propagande, et une certaine attirance/fascination pour Thomas, lui-même seul au monde désormais.

Dans une esthétique qui n'est pas sans rappeler celle de Jane Campion, l'australienne Cate Shortland nous emmène dans un film où la beauté des images est en contrepoint total avec l'horreur du propos, de la situation de ces enfants perdus dans un pays hébété. La fratrie passe une grande partie du film dans une forêt qui pourrait être celle des contes, où la beauté côtoie la laideur, une forêt où l'on se perd. Où le danger rôde. Où les cendres tombant du ciel viennent interrompre la danse innocente de deux soeurs.

Confrontée à la haine, à l'indifférence ou l'avidité d'individus qui n'hésitent pas à profiter de ceux qui sont jetés sur les routes, la fratrie, Lore en tête, découvre un monde implacable, où les certitudes ne sont plus de mises. Où pour aller chercher son pain, il faut passer devant des images placardées montrant les corps squelettiques entassés, photographiés dans les camps. Quand Lore touche l'affiche, comme pour essayer d'en déterminer la véracité, ses doigts en sont poissés.

Un très beau film, très dur aussi, sur la fin de l'enfance, l'apprentissage de la réalité. Une oeuvre poignante et magnifique qui évoque aussi la difficulté des Allemands à admettre l'horreur, à l'assumer ou à en comprendre toute l'inhumanité. La fin du film n'est pas sans rappeler le roman de Bernard Schlink, Le liseur*, puisqu'elle porte en germe cette chape de plomb, ce silence, qui règnera pendant des années en Allemagne à propos de cette période.

* Un roman magnifiquement adapté au cinéma.

Tag(s) : #Petit & grand écran
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