Quatre enfants, quatre instantanés de l’histoire d’une famille, mais aussi de l’Histoire tout court. Sol, Randall, Sadie et Kristina sont témoins malgré eux de soubresauts de l’Histoire et des répercutions de celle-ci sur leur propre histoire personnelle et familiale. Habilement, Huston laisse l'histoire en toile de fond, loin, murmurée ou simplement suggérée, et ne plombe donc pas le récit, même si elle en est un moteur essentiel.
Par ces enfants, au travers d’eux, Huston nous plonge dans les mécanismes des familles, les répercussions de décisions sur les générations suivantes. Les non-dits, les absences. Les mensonges, les semi-vérités. Et c’est toute la relation entre passé, présent et futur qui est explorée.
Avec un grand brio, Nancy Huston nous plonge dans ces histoires personnelles et familiales. Ce roman, c’est un fil tiré pour détricoter un héritage très lourd. Au fur à et mesure, on comprend des choses, mais – et c’est là ma frustration avec ce roman – beaucoup d’autres restent dans l’ombre, inexpliquées. On en a vu le résultat, parfois, mais pour autant on n’en sait pas plus. Ce n’est pas forcément plus mal, mais pour moi qui ai été happée, c’est le mot, par l’écriture magnifique de Huston et par ses personnages qui ne laissent pas indifférent, je suis ainsi sortie frustrée de ne pas en savoir plus. Et être frustrée m’énerve.
L’écriture de Huston parlons-en ! Un style épuré, au scalpel, elle nous emmène aussi sûrement que si elle nous prenait par la main, sans que l’on puisse s’échapper. C’est efficace, poétique parfois, cru aussi. Sans concession. Le personnage de Sol m’a beaucoup gênée, parfois choquée. J’ai été terriblement triste avec Sadie, et sa vie sèche et sans amour auprès de grands-parents qui n’ont rien à voir avec des papis/mamies gâteaux. Kristina qui apprend qu’elle n’est pas la fille de ses parents. Et c’est ainsi que l’air de ne pas y toucher, sans grand discours (normal, on est avec des enfants – même si j’ai trouvé pour certains je les ai trouvé un peu matures pour leur âge), Nancy Huston nous amène à réfléchir sur l’éducation, la guerre, le pardon, le silence, l’absence, l’amour, la filiation, la tolérance. Beaucoup de thèmes abordés « entre les lignes », sans didactisme, sans grande démonstration. C’est terriblement bien fait, prenant, émouvant.
Evidemment, je n'ai pu m'empêcher, même si ces deux romans n'abordent pas le même aspect de la seconde guerre mondiale, de comparer Lignes de faille avec Elle s'appelait Sarah, chroniqué ici. Une comparaison qui se fit au détriment du livre de Tatiana de Rosnay. Mon avis: c'était vraiment le jour et la nuit... ni plus ni moins!
Un roman lu pour le club de lecture Toulousain. Il s'agissait de lire une oeuvre ayant reçu un prix. Lignes de faille à reçu le prix Fémina en 2006.