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http://gaellenohant.com/wp-content/uploads/2014/10/eho_nohant1-555x812.jpgJe n'aurai pas la délicatesse de ces dames du XIXème siècle, je ne passerai pas par la case du "small talk" : il FAUT lire ce roman. Voilà, c'est dit.

Nous sommes à la toute fin du XIXème siècle, 1897 pour être précis, ces dames de la noblesse et de la grande bourgeoisie parisiennes se pressent pour avoir un comptoir au Bazar de la Charité, qui se tient à deux pas des Champs-Elysées, dans un vaste hangar en bois.  Une foule dense s'agglutine dans un décor reconstituant un Vieux-Paris. Le tout en bois et autres matériaux inflammables. Il est trois heures de l’après-midi quand le nonce apostolique fait un tour rapide et béni les lieux. A cette heure, parmi les visiteurs, nombreux sont ceux qui attendent fébrilement l’attraction principale de cette fête : le fabuleux cinématographe des frères Lumières. Il y a même une salle de projection ! Pour cinquante centimes versés aux nécessiteux, le gotha parisien assiste à la projection de La sortie des usines Lumière à Lyon, de L’arrivée du train en gare de La Ciotat et de L’arroseur arrosé. Puis c'est le drame: la pellicule s'enflamme... et c'est tout le bazar qui va devenir un immense brasier.

Dans ce brasier trois femmes: la duchesse d'Alençon, soeur cadette d'une certaine impératrice d’Autriche, qui a donné l'opportunité à deux jeunes femmes pas franchement dans les petits papiers du grand monde de venir à ce rendez-vous extrêmement prisé: Violaine de Raezal et la jeune Constance d'Estingel.

Vies brisées après l'incendie.

Sophie d'Alençon n'en réchappera pas, quant à Violaine et Constance, brûlées, la vie doit reprendre. Mais comment se relever d'un tel drame? Chacune fera face, dans un contexte social qui ne laisse que peu de place aux femmes et à leur libre arbitre. (Si avec ça, vous n'avez pas envie de lire ce magnifique roman, je ne sais vraiment pas ce qu'il vous faut!!)

Subtilement féministe (non l'auteure n'a pas le couteau entre les dents dès qu'elle voit un homme, pas plus que ses personnages), le roman nous plonge dans un univers où la femme est encore considérée comme une personne mineure (au sens juridique du terme), une poupée que l'on est fier d'avoir à son bras dans toute sa beauté, mais qui perd décidément tout son attrait après que cette dernière s'est fanée. Une société où la femme est bien opportunément déclarée hystérique quand son avis, son comportement ne sont pas conformes à ce qu'attendent mari et père. Dans ces conditions, nos héroïnes vont tenter chacune à leur manière de se rebeller, de faire entendre leur voix, ou à tout le moins, de ne pas la laisser s'éteindre.

Gaëlle Nohant a une fois de plus (comment? vous n'avez pas lu L'ancre des rêves ??) construit des personnages attachants, tout en nuances et psychologiquement cohérents (ce qui n'est pas toujours le cas chez certains auteurs!), les premiers comme les second rôles d'ailleurs, et que l'on suit le coeur parfois serré. Et c'est de plus en vite que l'on tourne les pages de ce roman dans lequel je me suis plongée avec délices pour la deuxième fois après avoir lu le manuscrit. Une fois encore, j'ai pu apprécié la plume tour à tour acérée, subtile ou tendre, mais toujours évocatrice. Glaçante quand elle nous parle des débuts de la psychiatrie dont les femmes ont fait les frais. Elle ne manque pas non plus d'humour, et le livre est loin d'être un long parcours glauque. Non.

La part des flammes est un fort beau roman que je ne saurais trop vous conseiller. Si vous n'êtes pas convaincus (vous avez vraiment décidé d'être difficiles ce matin!) quelques citations:

 

Le feu les étreignit encore pour quelques pas de valse forcée, riant de leur calvaire, avant de les rejeter sur l'herbe, leurs cris consumés, leurs faces noirâtres crispées dans un dernier rictus qui n'en finissait pas, bras repliés le long de leurs corps rongés jusqu'à la cendre.

 

Ces noms armoriés éclipsaient les petits noms des petites gens, lesquels tombaient sèchement dans le soir, étincelles éteintes avant de toucher l'asphalte.

 

Tels des enfants ouvrant le ventre des poupées, pour chercher le coeur à travers la cre, ils avaient pu ausculter la psyché des femmes, les observer à leur insu, effaçant ensuite les traces de ces effractions de leur mémoire latente. Ils avaient créé ce grand théâtre où les hommes venaient en voyeurs - disculpés par la recherche médicale - se repaître de cette folie des femmes à travers laquelle éclatait toute l'imperfection de leur nature, les vices et les faiblesses inhérents à leur sexe.

 

 

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Tag(s) : #Ma bibliothèque, #coups de coeur
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