J'ai découvert grâce à Lou il y a quelques années une auteure qui m'était alors totalement inconnue: Mary Elizabeth Braddon. Contemporaine des Wilkie Collins et autres Charles Dickens, la dame a écrit beaucoup de romans, dans le pur style victorien.
j'avais débuté avec Sur les traces du serpent, un très bon premier roman. Au détour des rayons de la médiathèque, je trouvai récemment ce titre. Une histoire d'adultère qui ressemble beaucoup au "pitch" d'Emma Bovary (que je n'ai pas encore lu, d'ailleurs. Notre prochaine rencontre du club en sera peut-être l'occasion, puisqu'en juin nous parlerons adultère autour de la piscine).
Isabel Sealford, la femme du titre, est une jeune fille sans autre éducation que celle des romans en "trois tomes" et recueils de poésie qu'elle ingurgite à longueur de journée. C'est d'ailleurs lisant tranquillement dans le jardin de la maison (complètement décrépite) familiale que George Gilbert, le docteur du titre, la découvre. Belle jeune fille de 17/18 ans, aux yeux noirs et rêveurs, Isabel n'a que faire de cet homme venu de la province, banal, sans rien de commun avec les héros romantiques de ses lectures. Pourtant, elle fait sur le docteur une assez forte impression. George, invité dans la maison par Sigismund Smith, auteur de récits ultra-romanesques dans des journaux à un sou et pensionnaire chez les Sealford, est intrigué par Isabel. D'autant plus que le lendemain, l'ensemble de la famille dont le pater familias est avocat, a disparu. Envolé.
Des mois plus tard, George, revenu à Graybridge et exerçant tranquillement sa profession, apprend qu'Isabel est préceptrice auprès des nièces d'un gentilhomme du coin, l'oncle de Sigismund. Bien entendu George finit par épouser la demoiselle. Malheureusement, George est ce qui se fait de mieux en matière de docteur terre à terre et totalement prosaïque (vulgaire comme on disait à l'époque), alors qu'Isabel ne rêve que de destins romanesques, où elle (ou son amoureux) mourrait jeune, poitrinaire de préférence. Des destins directement tirés de ses lectures. Totalement ignorante plus qu'innocente, Isabel tombe "amoureuse" du dandy du coin, Roland, richissime et totalement oisif, dont le seul fait d'armes est la production d'un recueil de poèmes qu'Isabel apprécie tout particulièrement. Vous imaginez bien que la jeune fille ne peut que se pâmer devant son "héros", riche et romantique.
Et c'est là que l'auteure aurait dû arrêter sa rédaction. Jusque-là, émaillée de reflexions humoristiques où elle s'adresse au lecteur, la narration est plaisante même si pas franchement ébouriffante. Braddon décrit ses personnages avec pas mal d'humour, souvent très grinçant d'ailleurs, se moquant d'eux (un peu trop peut-être? Aucun ne trouve grâce à ses yeux, à part peut-être Sigismund). Elle montre à quel point chacun ne voit que ce qu'il veut bien voir dans l'autre, et comment ces illusions feront leur malheur à tous. Le style de Braddon est bien là, agréable et moqueur: "Je reconnais que tout cela était bien déplorable pour cet honnête médecin de campagne qui, en ce moment même, assis dans l'atmosphère épaisse d'une chambre de maison rustique, appliquait du baume sur le bras mutilé d'un enfant de l'école dominicale qui était tombé dans le feu la semaine précédente. Mais après tout, quand un homme s'avise d'épouser une fille uniquement parce qu'elle a de beaux yeux, il doit se contenter de cet avantage-là, et, tant qu'elle ne devient pas victime d'une cataracte, ou d'une inflammation des paupières, ou d'un strabisme, il n'a pas de motifs de se plaindre."
Mais voilà, à part son style, son histoire n'a pas beaucoup d'intérêt, et elle est, de plus, noyée dans un torrent de jérémiades et réflexions à n'en plus finir d'Isabel et de Roland. Une déception donc. Mais que cela ne vous empêche pas de découvrir cette auteure... ne commencez pas avec ce roman-là, c'es tout! (et je ne parlerai même pas de la 4ème de couverture qui évoque des faits... qui ne se déroulent tout simplement pas dans le roman!!)