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Ils ont quarante ans passés, le portefeuille plutôt bien (voire très bien) garni, ils vivent dans des appartements cossus de l’île la plus célèbre du monde. Et quand deux tours s’écroulent, c’est leurs vies qu’ils reconsidèrent.

Dans La belle vie, Jay McInerney étudie le contrecoup des attentats du 11 septembre 2001 sur des personnages déjà connus de ses lecteurs puisque certains étaient l’objet de Trente ans et des poussières (que je n’ai bien sûr pas lu). Corrine et Russel, mariés deux enfants, rangés et biens comme il faut. Ou presque. De l’autre côté Luke et Sasha, qui font partie du gratin, la crème de la crème de New York. Plein aux as. Lui en avait assez de son job de courtier et a décidé d’arrêter et de se consacrer à sa famille (sa femme Sasha et sa fille Ashley) qui le lui rend…mal.

Le 12 septembre, dans un Manhattan enfumé, Corrine et Luke se rencontrent. Et se reverront pendant un mois à la cantine de fortune mise en place pour aider les pompiers, policiers etc. qui travaillent à dégager les corps des décombres des tours. La nuit, ils feront des sandwiches, des cafés à n’en plus finir. Vous vous en doutez, Corrine et Luke vont s’aimer.

Ce choc des avions désintégrant les tours, il faut le digérer. Peut-on rester comme avant ? Voilà a grande question que pose Jay McInerney.

C’est étrange l’effet que vous font certains romans. Au départ, rien de spécial, puis petit à petit l’histoire qui vous prend, ces personnages que l’on suit, qui se débattent dans leur confusion, veulent enfin donner un sens à leur vie, sortir de l’enfer domestique ou de la vacuité du quotidien fastidieux. Et si ce roman vous prend presque par surprise, c’est que Jay McInerney pose sa thèse par toutes petites touches, comme un tableau pointilliste. Un point de couleur par-ci, un autre par-là, et c’est New York de l’après 11/09 qui se dessine, la gueule de bois, la récupération abjecte, les atermoiements personnels, la confusion des sentiments. Le voyeurisme aussi, le cynisme.

McInerney a-t-il mis beaucoup de lui-même dans ce roman, lui qui a passé des nuits à faire des sandwiches beurre de cacahuète-gelée de fruits ? Il a, c’est sûr, dépeint un univers qu’il connait bien, cet ami de Brett Easton Ellis, qui fut l’un des « brat pack » des années 80 et 90. Un monde fait d’excès et d’apparences, vivant pour l’argent, régulièrement en couverture des magazines. Le New York des traders et des milliards virtuels ou pas. Mais chassez le naturel il revient au galop. C’est en tout cas  sa vision des choses. L’auteur questionne les New Yorkais et leur attitude, pour finalement questionner l’humain quand il se trouve face à l’extra-ordinaire.

Rien de spectaculaire ici, pas de grandes descriptions des attentats (ils sont carrément éludés, puisque la narration passe du 10 au 12 septembre), pas de coups d’éclat. Juste un sursaut, un cahot qui fait s’entrechoquer les individus embarqués sur un même véhicule dont la course semblait si limpide. Je ne dirai pas que La belle vie est un chef d’œuvre, mais c’est sans aucun doute un très bon roman, tout en finesse.

Bien entendu, comment ne pas penser aux attentats de Charlie Hebdo en janvier dernier, en lisant ce roman, à l’immensité des foules réunies pour démontrer leur union (éphémère ?) ? Et forcément se poser la question : allons-nous vraiment changer ?

Les avis beaucoup plus mitigés de Papillon et Mango.

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