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http://www.babelio.com/couv/cvt_Karpathia_2702.jpegUn château fort au bord d'un lac, entouré de montagnes et de grandes forêts…
C'est ce dont rêve le comte Alexander Korvanyi.
En 1833 ce capitaine hongrois quitte brutalement l'armée impériale pour épouser une jeune autrichienne, Cara von Amprecht. Aussitôt, il part de Vienne avec elle, pour aller vivre aux confins de l'Empire sur les terres de ses ancêtres.
Loin du folklore gothique, la Transylvanie de 1833 est une mosaïque complexe, peuplée de Magyars (et Sicules), de Saxons, de Souabes et de Valaques. Et ce n’est pas franchement un « melting pot ». Non, chaque communauté vit dans son coin, jalousant les autres ou les méprisant. Tout en bas de l’échelle : les Valaques (les Roumains donc), tout en haut les Magyars (et aussi dans une moindre mesure les Sicules ou Szeklers, paysans-soldats magyarophones). Les Saxons sont presque aussi pauvres que les Valaques, mais ils peuvent toujours partir (s’enfuir en fait, puisqu’ils sont serfs) rejoindre une ville Saxonne où ils ne seront jamais arrêtés ni renvoyés sur les terres de leur seigneur.

 

C’est dans ce contexte particulier, où la féodalité version 1345 est toujours d’actualité, qu’Alexander et Cara arrivent sur leurs terres, trop longtemps abandonnées par les seigneurs Korvanyi. En même temps, le dernier qui y vécut finit assassiné lors de la révolte des serfs de 1784, on comprend pourquoi les descendants ont hésité à rester… ! Ils trouvent un domaine sous-exploité, un intendant pas très franc du collier… et un château qui sent l’humidité. Malheureusement, il n’y a pas que cela, puisque des enfants sont enlevés, et une femme attaquée. Alexander, imprégné des valeurs d’honneur, de respect des ancêtres et de devoir, accusé d'être un vampire par ses serfs, est comme qui dirait piqué dans son orgueil de maître de céans. Et lance une guerre privée contre les bandits (Valaques, forcément) qui sèment la zizanie sur ses terres. Certains de ses voisins le suivront, dans un déchaînement de sauvagerie digne de leurs ancêtres ( ?) les Huns.

 

Ce roman de Mathias Menegoz m’a permis de prolonger un peu ma plongée dans l’histoire de la Roumanie. Histoire complexe, furieuse et souvent sanglante, puisque ce territoire fut sans cesse envahi par des forces étrangères : Ottomans, Tatars, Russes, Viennois… Ces flux et reflux au grès des victoires militaires ont fait de cette zone une mosaïque, donc. Véritable poudrière écrasée par un système féodal sclérosé et injuste, la région est gangrénée par la misère et la haine. Une recette parfaite pour que la violence se déchaîne.

 

Sans proposer un style ébouriffant, Mathias Menegoz plonge cependant son lecteur dans un monde à part, pas seulement pour le lecteur du 21ème siècle, mais déjà pour le voyageur du 19ème, bien loin des avancées de la révolution industrielle ! On découvre l’extrême pauvreté, les rivalités entre les communautés, le banditisme et fatalement, les légendes qui se forment (et se déforment) suivant les peurs et les intérêts des uns et des autres. S’y confrontent des personnages pétris de croyances plus ou moins surnaturelles, de théories plus ou moins fumeuses, qui auront des conséquences désastreuses, cataclysmiques. Attachement viscéral (fanatique ?) d’un seigneur à sa terre dont il croit qu’elle exige des sacrifices ("l'absurdité du dogme n'a jamais empêché un croyant d'arriver au plus pur fanatisme, seule une certaine faiblesse, une certaine humanité de caractère peut le retenir. Or c'était là  l'unique fois qu'Alexander eût jamas embrassée, l'énergie qui alimentait sa volonté implacable, comme le charbon pour une des ces horribles machines à vapeur") ; conviction mystique d’un moine pour qui son chef (des contrebandiers) est une sorte de Héros destiné à libérer tout un peuple (les Valaques en l’occurrence) ; superstitions absurdes de la populace (et bien sûr qui dit superstition dit… Vampire !!!). "Ce faisant, comme un alchimiste audacieux, il mêlait les deux matières les plus réactives, les deux plus sombres et puissantes passions de l'âme des serfs valaques: la haine du seigneur et le goût du surnaturel".

 

Tout cela fait de Karpathia un roman passionnant à lire, un pavé qui se lit comme un thriller. Pour moi qui revenais de 15 jours à sillonner la Roumanie, j’ai compris certaines choses, notamment l’inimitié, encore aujourd’hui, que se portent Roumains et Hongrois.

Tag(s) : #Ma bibliothèque, #coups de coeur
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