

Le dîner de Babette est une nouvelle où la cuisine va être à la fois un prétexte, et l'occasion d'une réflexion. Babette est une femme qui a émigré après la Commune de Paris. Recherchée, ayant perdu tous ces proches, elle quitte la France, et, sur les recommandations d'un ami, part pour la Norvège et la maison de deux soeurs austères, vieilles filles, élevées dans la plus stricte application protestante de la Bible. Le jour où elle gagne dix mille francs or à une loterie, elle leur demande de la laisser préparer un dîner fin, dans la grande tradition française. Sa fortune y passe, mais une soirée aura effacé des années de carême.
Cette nouvelle, au style impécable et évocateur, nous plonge dans la vie de ces personnages dont la plupart sont des bigots, applicant sans les comprendre, sans réflechir, les préceptes d'un pasteur décédé et révéré, se coupant de tous les plaisirs, quels qu'ils soient. C'est ainsi que le fameux repas de Babette, le meilleur qu'ils aient jamais mangé, ne donnera lieu à aucun commentaire, les convives faisant de leur mieux pour ne pas l'apprécier. C'est donc deux visions totalement différentes de la vie qui s'opposent là: l'ascétisme le plus strict face à la bonne chère et à un certain épicurisme. Ce repas somptueux sera aussi l'occasion pour certains des convives d'affronter les fantômes du passé, l'occasion de se confronter aux rêves de jeunesse, et à ce qu'ils avaient apportés, en bien ou en "moins bien".
Au final, ce court récit, parfaitement maitrisé, est l'occasion pour Blixen de faire le portrait d'une communauté végétant dans la religion la plus stricte, faisant la charité en pensant à la "récompense dans l"au-delà" que cela impliquera. Ce dernier point est particulièrement intéressant, puisqu'il pose la question de la charité et de ses motivations. Blixen peint des personnages complexes, aux motivations et aux sentiments parfois ambigus. Au final Babette s'avérera être bien plus que ce que l'on pouvait croire a prime abord.
Dans Les prunes, tirée du recueil Dites-leur de me laisser passer, l'écrivain algérien Abdelkader Djemaï propose

Malheureusement pour lui, alors qu'il parvient à trouver des toilettes, la bombe qu'il avait dans son sac, et qui devait exploser à un endroit stratégique, était mal réglée, et elle saute.
L'ironie de cette nouvelle tient à cette chute: le péché de l'un (gourmand qui a mangé tant de prunes) sauve les autres, ceux-là même qu'il considèrait comme des êtres inférieurs, indignes, et qu'il souhaitait anéantir. Il sourd de ce récit, conté du point de vue unique du personnage principal une telle haine, un tel mépris, que l'on comprend que ce terroriste a été comme beaucoup victime d'un lavage de cerveau en règle. Un style efficace fait de cette très courte nouvelle un moment de lecture intense.
Une fois de plus, la rencontre du club Lire et Délires aura été l'occasion de découvrir de nouveaux auteurs, et de nouvelles saveurs. Ces deux nouvelles m'ont en tout cas donné envie de lire un peu plus de ces deux auteurs.
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