Vue récemment sur France 2, et toujours visible sur la plateforme de France TV, Sambre est une mini série de très, très grande qualité, qui retrace 30 années d'enquête (ou plutôt d'absence de vraie enquête) autour du cas du violeur de la Sambre, du nom de la rivière le long de laquelle il sévissait et attaquait des femmes, les violait. A son procès, elles étaient 56. Combien n'ont jamais porté plainte?
Tirée du livre de la journaliste Alice Géraud, Sambre nous fait suivre les différents protagonistes de cette terrible affaire de viols en série. Chacun des 6 épisodes de la série se consacre à un personnage: Christine (la Victime - Alix Poisson), Irène (Juge d'instruction - Pauline Parigot), Arlette (maire d'une commune où des femmes ont été violées - Noémie Lvovsky)), Cécile (la Scientifique (géomaticienne) - Clémence Poésy), Etienne (le commandant du SRPJ de Lille, spécialiste des cold case - Olivier Gourmet) et enfin Enzo (le Violeur - Jonathan Turnbull).
Cette construction "chorale" (le mot n'est pas correct, mais c'est ce qui s'en rapproche le plus), chronologique, nous permet de comprendre l'évolution de l'enquête, ou son absence d'évolution, à travers des personnages clés. Ces personnages sont bien entendu fictionnels. Christine, par exemple est un "mélange" de plusieurs victimes.
Sambre c'est le récit de l'échec patent de la police et de la justice, sur base d'incompétence, de je-m'en-foutisme ("on va éviter la paperasse et ne pas prendre de plainte", scellés gardés au frigo avec le clacos et les bières...), de misogynie de policiers parfois bas du front. Certaines des scènes sont à vomir tant elles charrient de mépris pour ces victimes, ou pour les femmes qui se battent pour elles (comme la Scientifique moquée ou la juge d'instruction "hystérique" bien sûr); Le seul policier vraiment compétent, c'est le Commandant Winckler, genre pitbull qui ne lâche jamais une enquête tant qu'elle n'est pas résolue, qui est absolument consterné quand il voit comment l'affaire a été gérée par les policiers, comment les archives sont entreposées (abandonnées?) dans des caves humides, sans être classées etc...
Sambre c'est le récit de ces femmes qui ont eu honte de ce qui leur était arrivé, qui ont été dans le déni, qui n'arrivent plus, même des années après, à sortir seules la nuit. Des femmes aux vies broyées par cet homme qui viole en allant au boulot. Des femmes qui sont ostracisées ou dont on minimise la violence de leur agression. Des agressions que l'on voudrait voir disparaître, parce que, vous comprenez, ça donne une mauvaise image de la région. Tu parles, Charles, que ça donne une mauvaise image!
Sambre c'est le rappel qu'un agresseur, qu'un violeur ne porte pour ainsi dire jamais son crime, sa nature, sur son front. C'est souvent un homme "bien sous tout rapport", intégré, père de famille. Pas un monstre hirsute qui se balade la bave aux lèvres et le regard fou. On le croise dans la rue, parfois nos enfants le croisent, il peut être leur entraîneur au club de foot.
Admirablement filmé et interprété, Sambre est absolument à voir et à montrer. J'aimerais qu'il soit diffusé aux élèves de collège et lycée.
A voir sur le site de francetv, l'interview des auteurs/autrice qui expliquent comment ils ont mené le projet.