Angélique du Coudray est la mère (sans mauvais jeu de mot) du métier de sage-femme tel qu'on le connaît aujourd'hui. Cet album d'Adeline Laffitte illustré par Hervé Duphot nous conte son histoire à partir de son déménagement à Thiers.
Nous sommes au mi-temps du 18ème siècle, Angélique du Coudray est une sage-femme reconnue à Paris, mais comme toutes celles de sa profession, elle est petit à petit supplantée par les chirurgiens, qui pourtant n'y connaissent pas grand chose en accouchement, et se font de plus payer bien plus cher. Une fois de plus, la misogynie ambiante et l'arrogance des hommes (voir son entrevue avec Diderot à une soirée!) rendent la tache bien difficile aux femmes, sages-femmes comme parturientes. Un jour, le baron de la ville de Thiers en Auvergne vient la voir. Il veut mettre un terme aux drames qui s'accumulent: beaucoup d'enfants mutilés ou morts, et d'accouchées également passées de vie à trépas d'avoir été "aidées" par des matrones n'ayant d'autre connaissance sur le sujet que leur propre accouchement.
Après avoir initialement refusé, Angélique du Coudray accepte. Mais l'arrivée en terre inconnue est difficile, les superstitions et la peur de l'étrangère sont tenaces. Le "lobbying" du baron, de son épouse et du curé n'y font rien. Et le chirurgien du coin exsude la suffisance. Pour gagner la confiance des matrones, Angélique se décide à leur enseigner son art, mais celles-ci ne se rendent à son cours que contraintes et forcées par le curé...et s'en fichent. Alors qu'elle est décidée à repartir à Paris, l'épouse du baron tombe enceinte, et le couple la persuade de rester jusqu'à la naissance. Quand le bruit court qu'elle s'occupe de la baronne, alors seulement quelques bourgeoises de la ville s'adressent à elle pour suivre leur grossesse.
Angélique du Coudray va profiter de cette période pour créer sa machine à accoucher: un mannequin cousu au plus près de l'anatomie féminine conçu pour permettre aux apprenties sage-femmes de s'exercer et apprendre leur métier. Cela va révolutionner l'enseignement de la discipline. Ne pouvant enseigner sans l'approbation de l'académie de médecine, elle doit faire valider son traité sur l'accouchement ainsi que sa machine par celle-ci. Malgré des restrictions, elle a gain de cause...et sera même mandatée par le Roi pour dispenser son savoir aux quatre coins de l'Hexagone. Ce qui n'empêchera pas que, lors de la Révolution, l'instruction des sage-femmes cessera d'être une priorité, ce qui laisse le champ libre aux chirurgiens pour récupérer cette pratique...
Ce qui fera dire à Angélique du Coudray (ou du moins c'est ce qu'Adeline Laffitte lui attribue): une vie de lutte et ses victoires peuvent être effacées très rapidement en des temps de troubles... A bonne entendeuse...
Dessins classique et sobre, propos pédagogue mais non dépourvu de quelques traits d'humour, La sage-femme du roi est un album très intéressant sur une femme (encore une fois) invisibilisée malgré son apport fondamental à sa discipline. A lire!