Le château de Laréole, situé au nord ouest de Toulouse (35 minutes), est un bâtiment datant de la fin du 16ème siècle, construit par un banquier d'origine basque M. de Chevery (anciennement Etchevery), fils de petits commerçants qui fit fortune dans le pastel, devint banquier et acheta deux charges de receveur des impôts. Autant dire que pour lui, l'ascenseur social avait bien fonctionné.
Beau château à la façade alternant la pierre et la brique, Laréole est construit sur une butte, entouré de douves sèches, et offre un beau panorama sur la campagne environnante. Tout en symétrie et en sobriété, et il a été racheté et rénové par le Conseil départemental de Haute-Garonne au milieu des années 1980, alors qu'il était abandonné depuis quelques années. Les derniers propriétaires n'avaient pas du tout les moyens d'entretenir une telle bâtisse, sans même parler du parc. Après une vingtaine d'année de travaux, le château se visite gratuitement (uniquement l'étage noble (rez-de-chaussée), et accueille des expositions. En été, des spectacles y sont produits également, profitant du très beau parc.
En ce moment, il abrite les oeuvres de Joan Jordà, décédé en 2020, et que je découvrais à l'occasion de la visite. Né en Catalogne et exilé à 10 ans avec sa mère et sa soeur lors de la Retirada, il passa comme beaucoup d'autres de terribles journées sur les plages d'Argelès, et les camps, avant de faire de Toulouse sa ville d'adoption. Formé aux beaux-arts, il ne vivra pas de son art (il sera couturier et ouvrier à l'usine), mais peindra, sculptera toute sa vie. Différents supports, différentes matières et matériaux (toiles, masques, totems etc), on sent clairement la filiation avec Picasso, dont il explique que la vision de Guernica fut un choc esthétique et artistique.
C'est très torturé, très sombre aussi, mais cela touche, cela bouscule. Dans l'aile des appartements l'épouse du seigneur du château, des tableaux aux couleurs chaudes, très lumineux, offrent un contraste saisissants avec les autres œuvres de l'aile du châtelain.
Dans ses Notes d'ateliers, Jordà écrivait: « En somme, je cherche à faire une peinture tragique mais qui ne soit pas triste. (…) Prendre conscience “que todo es nada”, sans pour cela en faire une arme de destruction, une force du mal, un laisser-aller. Au contraire, considérer cette chose qui n’est rien et qui est tout – la vie – avec une curiosité et un respect inépuisable ».
D'autres œuvres sont visibles à la galerie 3.1, 7 rue, Jules Chalande à Toulouse.
Une interview de 2019 à lire ici.