Ukraine, 2014, les "petits hommes verts" (en vrai, des soldats russes) comme on les surnomme ont envahi la Crimée puis le Donbass. Le fils de Nina, militaire, est fait prisonnier après avoir été pris dans une embuscade avec son groupe. Nina, chirurgienne à l'hôpital de Jytomyr, n'hésite pas et prend contact avec un ami des services secrets ukrainien, qui lui donne un contact en zone occupée. Elle réunit l'argent, 30.000$ (pour cela le garage de son mari est vendu) et par seule armée de son seul courage.
Mama est une série en 4 épisodes suivant cette mère courage dans une zone où les Russes et les pseudo-séparatistes font la loi. A la "frontière" avec la zone occupée, elle est victime du contact qui part en prenant une partie de son argent. Elle accepte l'aide, intéressée, de Bodia, une sorte de trafiquant, contrebandier à la petite semaine qui fait passer des marchandises. Il n'a l'air de rien, ce bonhomme un peu chétif habillé comme un sac, à côté de la grande et plantureuse Nina. Mais il est sur son territoire, et elle est en terre inconnue et hostile, et désespérée. La voilà donc dans la "République populaire de Donetsk", à la merci de Bodia, et de Sanytch, le commandant de la zone et ancien policier.
Mama est portée par ce personnage de Nina, femme forte, volontaire mais aux prises avec un environnement violent, où la suspicion et la haine sont partout, le tout bien alimenté par la propagande russe. Au cours des 4 épisodes, le spectateur est amené à comprendre la vie en zone occupée, les conversations écoutées, la vie en suspend, la haine alimentée par la propagande russe etc. Surtout, Mama ne tombe pas dans le noir et blanc manichéen, mais propose une lecture nuancée à propos des habitants de la région. A ce titre, le personnage de Lucia, la compagne de Bodia, ou encore Sanytch sont intéressants. La série met en exergue la brutalité des Russes, qu'on ne voit que très peu mais dont le poids, l'ombre pèse en permanence sur les personnages : la surveillance des habitants, de tous les instants, la violence des soldats, souvent alcoolisés, le mépris de la vie humaine.
Sur la forme, Mama a les défauts des séries à petit budget, mais hormis la scène assez moyenne de la fusillade (seule scène d'action), la série de Taras Tkachenko tient ses promesses: nous faire comprendre, à travers l'histoire de Nina et de sa famille, la douleur vécue par le peuple ukrainien, les divisions générées par la guerre lancée par la Russie en 2014.
Sur l'invasion de la Crimée, j'avais vu, au printemps dernier, un documentaire très intéressant, intitulé Крим, як це було (Crimea as it was). Un documentaire de deux heures passionnant que je vous conseille vivement, avec des témoignages d'habitants, de soldats ukrainiens de la flotte, des images d'archives etc. Attention, les sous-titres sont en anglais.