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Je découvrais Pierre Michon avec ce recueil de trois textes publié aux Editions Verdier, intitulé Abbés. Trois récits successifs, de commande apparemment. Trois textes, trois histoires d'Abbés, de monastères et d'individus entiers, passionnés, et qui se déroulent au tournant de l'an mil.
Dans le premier, l'Abbé va faire assécher les marais, persuadant les pêcheurs du coin d'être la force de travail. Le pouvoir du mot "miracle" est bien réel. Il gagne ainsi des terres sur "Tohu" et "Bohu", des chrétiens, mais n'est pas exempt de tomber dans le péché de chair... Dans le second, il est question de pouvoir, de superstition, de jalousie... et de saint que l'on voit dans un sanglier. Enfin, dans le troisième, il est question de reliques, de gloire pour un monastère et de trafics.
D'une langue ample, poétique, diablement (!) évocatrice, Pierre Michon fait revivre une époque où la religion (ou plus largement la croyance) est au cœur de la vie des communautés. Mais l'âme humaine étant ce qu'elle est, il y est donc question aussi (surtout?) de sexe, de pouvoir, de passions plus ou moins "élevées" dans une Nature encore loin d'être totalement domestiquée, et que les hommes imprègnent de magie, de surnaturel. 70 pages magnifiques, non dépourvues d'humour, on y sent les passions, donc, mais aussi les embruns venus de l'océan, le vent qui fouette les visages... A découvrir!
"Cette époque on le sait aime les os. Pas tous les os, ils ont grand soin de choisir, disputent et parfois s'entretuent sur ce choix : les os seulement qu'on peut revêtir d'un texte écrit il y a mille ans. A Maillezais, ils sont pauvres en reliques : ils n'ont qu'un manant tout au bas de la sainte hiérarchie, Rigomer, dont les restes ont été cédés par le Comte de Tours, et concédés saints du bout des lèvres par Cluny."