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Olena Hapko, fraîchement élue à la tête de l'Ukraine, est une oligarque au passé violent et dont la Russie souhaite se débarrasser en attisant des révoltes populaires. Avec pour seules armes sa férocité et sa connaissance de la politique ukrainienne, Olga Hapko entend survivre à cette tentative de déstabilisation.
Avec l'actualité de la guerre en Ukraine, j'ai donc pioché à nouveau dans ma pal, après l'excellent roman de l'ukrainien Andreï Kourkov, Les abeilles, et j'ai porté mon dévolu sur Les loups, du journaliste Benoît Vitkine. Pour situer l'auteur, Vitkine est spécialiste de l'URSS et des pays de l'Europe de l'est. Il a reçu le prix Albert-Londres en 2019.
Dans ce roman noir, Benoît Vitkine nous invite au cœur des intrigues politiques de l'Ukraine imaginée de 2012, juste avant Maïdan (en 2014). Il s'inspire de personnages réels (Olena Hapko est peut-être inspirée notamment de Ioulia Timochenko?), et de sa connaissance fine du milieu politique, économique et social de ce pays. Miné par une corruption endémique, l'Ukraine est aux mains d'oligarques (les loups du titre) qui se partagent le pouvoir, s'allient et parfois se font la guerre. De ce point de vue, la scène d'ouverture du roman, où l'on fête la victoire d'Olena Hapko en mangeant un gâteau à la forme et aux couleurs de l'Ukraine est une métaphore des plus adaptées. "Les oligarques ukrainiens sont le reflet de cette mentalité de cosaques. Perpétuellement en guerre, prêts à des coups de poker insensés, voire à guerroyer contre le pouvoir politique quand ils ne cherchent pas à le conquérir".
Au petit peuple de subir, avec fatalisme. Mais parfois, ce petit peuple se rebiffe, car les humiliations répétées font parfois déborder le vase.
Vitkine nous montre comment les années 90 ont vu le pays, après l'indépendance, dépecé, vendu pour pièces comme une vieille carcasse au plus offrant. Les plus habiles s'enrichissant à millions sur le dos du peuple. S'ajoutent les Russes pour qui les Ukrainiens "ne sont que des vagues cousins dégénérés à qui il convient de taper régulièrement sur le crâne pour leur rappeler les bonnes manières".
Au coeur de l'histoire, ou plutôt dans son ombre, la figure du résistant Nestor Makhno, anarchiste, résistant qui contrôla à une époque les terres de l'est du Donbass à Odessa et jusqu'à Kharkiv. Il mourut en France, pauvre et ouvrier chez Renault.
Benoît Vitkine peint une pays profondément meurtri, qui semble perdu, encore sous le choc de l'effondrement de l'URSS pour bon nombre de ses habitants, mais qui, petit à petit, va se réveiller pour ne plus (à terme) être l'esclave des oligarques. Le personnage d'Olena Hapko, très ambigu, est intéressant, à la fois vorace, mais voulant redonner un avenir à son pays...et pourtant ne pouvant se défaire de ses "mauvaises habitudes". Dans ce personnage, comme avec les autres qui peuplent et donne toute sa chair au roman, Vitkine ne tombe jamais dans le monolithique et fait preuve d'une belle palette de nuances.
Un roman noir passionnant, qui permet de comprendre où en était le pays il y a près de 10 ans... Un pays qui a évolué, doucement, et qui même s'il reste gangréné par la corruption semble avoir entamé une vraie marche vers le mieux...
Yan a aimé lui aussi.