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Dernier opus en date des aventures de Martin Servaz, La chasse est clairement un livre qui ravira les fans de Bernard Minier. Sises en terres toulousaines, les enquêtes de Servaz restent aussi palpitantes que d'habitude, le genre à vous faire (presque) rater votre arrêt de bus (il s'en est fallu de peu, je vous le dis!)
Mais trêve de blabla, pitchons: sur une route déserte de l'Ariège, (ok, on n'est pas uniquement en terres toulousaines), un automobiliste renverse et tue un homme courant nu, blessé d'un carreau d'arbalète et affublé d'une tête de cerf. Sur son buste est inscrit au fer rouge le mot "Justice". Les circonstances étant on ne peut plus étranges, Martin Servaz et son groupe mènent l'enquête. Il s'avère que le jeune homme, issu du Mirail, quartier "sensible" comme on dit de Toulouse, avait été récemment libéré dans une affaire de viol sur mineure.
Une fois encore, Bernard Minier mène son intrigue de main de maître, c'est rythmé, personnages "charnus", atmosphère noire sans tomber dans le glauque facile et tape à l'oeil. Sur fond de pandémie (l'intrigue se déroule lors du confinement d'octobre 2020), d'actes terroristes (l'assassinat de Samuel Paty, ou encore les meurtres de policiers sont cités. (En aparté: des discours qui se déroulent d'ailleurs dans le roman font écho à certaines déclarations de militaires actuelles, et honnêtement, ça fait un peu froid dans le dos)), Bernard Minier met Servaz et son équipe face à une société qui se délite, se fracture de plus en plus vivement.
Il y avait une certaine urgence dans M, le bord de l'abîme, roman se déroulant en Asie, sans Servaz. Ici, je sens Bernard Minier véritablement engagé dans son intrigue. Il y a intensité dans le diagnostic du Docteur Minier quand il ausculte la patiente France. Policiers au bout du rouleau, quartiers en proie aux flammes, au trafics, corruption. Il y a une certaine rage rentrée mais qui affleure souvent dans le propos. Quelque chose que je n'avais pas ressenti dans le précédent roman, La vallée, aussi avec Servaz.
J'ai beaucoup pensé, en lisant La chasse, à ma lecture du dernier polar en date d'Olivier Norek, Impact. Ces deux romans, chacun à leur manière, pointent la situation catastrophique dans laquelle nous sommes. Humainement, socialement, économiquement et environnementalement. Dans les deux cas, j'ai ressenti des auteurs en colère, qui ont vraiment envie de faire passer un message : "réveillez-vous!". Il y a quelque chose de crépusculaire, et en même temps de l'ordre de l'espoir cependant dans ces ouvrages: non tout n'est pas perdu, il faut des hommes et des femmes de Bien. Mais il ne faut surtout pas croire que comme par magie, tout va aller mieux.
Je regrette juste peut-être une ou deux petites longueurs à certains (rares, je vous rassure) moments.
Une lecture aussi passionnante, porteuse de réflexion, que divertissante. Pas mal de références émaillent le récit, Dostoïevski, Djaïli Amadou Amal, ou encore un clin d'oeil à Henri Lovenbroek, auteur lui aussi polars, apportent encore plus de saveur à La chasse.