
Elle s'appelle Eliza, mais va devenir Violet Lee. Elle est née à Chicago, mais deviendra ce qu'elle est (selon la formule célèbre) à Paris, dans les années 50/60.
La nouvelle héroïne de Gaëlle Nohant est une femme dont le père était universitaire et l'emmenait visiter le ghetto noir de Chicago, pour lui faire prendre conscience de la réalité sociale et raciale de son pays. Eliza se marie avec Adam, qui va bâtir sa fortune, à l'insu de sa femme, sur le ghetto et la pauvreté des Noirs, justement. Terrible ironie. Terrible aveuglement initial?
Un jour, Eliza prend la décision, déchirante, de fuir (on comprendra en cours de lecture pourquoi)...en laissant son fils Tim derrière elle. Lui promettant de revenir. Elle n'emporte que peu de choses à Paris, des bijoux, mais surtout son appareil photo, son Rolleiflex. Qui est quasiment un personnage du roman.
Voilà un roman formidable, comme son héroïne qui tombe, se relève, doute, s'obstine, prend des risques, parfois les plus terribles. Mais ne lâche jamais le morceau. Jamais l'espoir de pouvoir retourner dans son pays pour revoir son fils. A travers Eliza/Violet, c'est le combat des femmes pour l'indépendance, la liberté individuelle que nous conte Gaëlle Nohant. Une femme que l'on pourrait juger, et pourtant, quand on apprend la vérité, comment, mais comment la juger?
Comme elle est passionnée par les histoires et les personnages qu'elle invente, elle a fait un travail absolument remarquable de recherche et de documentation qui rendent Chicago et Paris de ces époques vivantes sous nos yeux (elle d'ailleurs donne en fin d'ouvrage les titres de quelques livres qui lui ont permis d'écrire ce roman), tout comme les individus qui les peuplent. Une impression déjà ressentie dans ses précédents romans, notamment Légende d'un dormeur éveillé (sublime!). Emeutes à Chicago alors que Violet tente de renouer avec son fils en 1968, Saint-Germain-des-prés, taudis à Paris, meurtre de Bobby Kennedy, c'est toute une époque de luttes qui resurgit sous nos yeux...en résonance très forte avec notre actualité du 21ème siècle.
A travers les personnages qui gravitent autour de Violet, nous sommes témoins de la lutte des Noirs pour leurs droits et leur dignité. Bafoués pas seulement dans les Etats du Sud du pays comme nous le constatons, mais aussi et de manière très sournoise et hypocrite au nord. Avec Violet, nous suivons une femme dans ces années où encore, elles ne sont que des épouses, des mères, ou des putains. A travers ses photos, elle va lutter, exister, trouver un sens à sa vie.
Le pari de départ, une femme qui quitte tout, y compris son enfant, était quand même extrêmement risqué. On aurait pu juger cette femme, cette mère qui laisse son fils pour se sauver. Je ne sais pas si j'aurais eu le courage de faire comme elle. Je n'ose même pas imaginer la douleur. Mais avec beaucoup de force, de délicatesse et de sensibilité, Gaëlle Nohant nous fait vivre au plus près les sentiments et les luttes de Violet/Eliza, nous aimons et nous tremblons avec elle.
La femme révélée est un roman d'un double exil, celui du pays, celui du cœur, dont on a du mal à quitter les personnages (parce qu'il faut bien nourrir Miss O., ou dormir de temps en temps!), on vibre, on s'inquiète, on se révolte. J'ai énormément aimé la structure du roman, qui alterne entre souvenirs et présent de Violet/Eliza, parfaitement équilibrée.
Gaëlle Nohant est une des grandes plumes de notre époque. Surtout, ce qui me touche énormément dans ses romans, c'est que je sens l'amour qu'elle a pour ses personnages. Et ça, c'est une sensation de lecture merveilleuse, et je pèse mes mots.
Ecoutez-la au micro de Bernard Lehut ici.
Pendant la lecture, écoutez la playlist de ce roman que vous pouvez retrouver sur Deezer ici.
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