
Le balai des berlines amenant des grands patrons d'industrie, un soir de février 1933.
"Ils s'appellent BASF, Bayer, Agfa, Opel, IG Farben, Siemens, Allianz, Telefunken. Sous ces noms, nous les connaissons. Nous les connaissons même très bien. Ils sont là, parmi nous, entre nous. Ils sont nos voitures, nos machines à laver, nos produits d'entretien, nos radio-réveils, l'assurance de notre maison, la pile de notre montre. Ils sont là, partout, sous forme de choses. Notre quotidien est le leur. Ils nous soignent, nous vêtent, nous éclairent, nous transportent sur les routes du monde, nous bercent. Et les vingt-quatre bonshommes présents au palais du Président du Reischstag, ce 20 février, ne sont rien d'autre que leurs mandataires, le clergé de la grande industrie ; ce sont les prêtres de Ptah. Et ils se tiennent là impassibles, comme vingt-quatre machines à calculer aux portes de l'Enfer."
C'est après l'avoir écouté dans l'Heure bleue sur France Inter, que j'ai souhaité lire cet essai d'Eric Vuillard. Habitué des essais historiques, il s'attelle à nous conter, à sa manière très particulière, une autre version de l'arrivée au pouvoir d'Hitler.
Le futur despote du grand Reich va d'abord "charmer" les magnats allemands, bien plus intéressés par leur porte-monnaie que par la politique. Il soumettra lors d'une rencontre proprement hallucinante au Berghof le petit dictateur autrichien Schuschnigg (dont on apprend comment il finit sa vie bien tranquillement aux Etats-Unis). Il bernera les dirigeants Français et Britanniques. Notamment lors d'un dîner où Ribbentrop s'ingénie à faire perdre du temps à Chamberlain et Churchill, alors que les trouves nazies envahissent l'Autriche.
De 1933 à 1938, Vuillard met en lumière des moments cruciaux menant au cataclysme de la seconde guerre mondiale. Des épisodes peu connus des non spécialistes, malgré les dizaines et dizaines de documentaires, de films et autres qui existent sur la période. Et c'est justement à cause de ces documents visuels, dont la plupart sont des films de propagandes qui construisent un mythe, que l'auteur à souhaité travailler sur cette période.
C'est passionnant. Mais j'avoue avoir été très souvent agacée par le style de l'auteur. Si cet essai avait été un discours, j'aurais dit ;"cet homme aime s'écouter parler", ça confine parfois à la pédanterie. A d'autres moments, c'est très vif, sacrément bien tourné. Et cela donne vraiment un autre éclairage, édifiant, sur ces quelques années qui ont mené à la guerre de 39-45: roublardise des uns, lâcheté des autres, bassesses ou compromissions.
J'ai donc très envie de lire son "14 juillet".
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